INTRODUCTION. 5
Mais il faut convenir que cette idée, quoique juste en elle-même,
n’est pas assez claire pour servir de principe à une science dont
la certitude doit être fondée sur l’évidence, et surtout pour être
présentée aux commençons ; d’ailleurs, il me semble que comme
dans le calcul différentiel, tel qu’on l’emploie, on considère et on
calcule en effet les quantités infiniment petites ou supposées infi
niment petites elles-mêmes, la véritable métaphysique de ce calcul
consiste en ce que l’erreur résultant de cette fausse supposition est
redressée ou compensée par celle qui naît des procédés mêmes
du calcul, suivant lesquels on ne retient dans la différentiation que
les quantités infiniment petites du même ordre. Par exemple , en
regardant une courbe comme un polygone d’un nombre infini de
côtés chacun infiniment petit, et dont le prolongement est la
tangente de la courbe, il est clair qu’on fait une supposition er
ronée ; mais l’erreur se trouve corrigée dans le calcul par l’omis
sion qu’on y fait des quantités infiniment petites. C’est ce qu’on
peut faire voir aisément dans des exemples, mais dont il serait
peut-être difficile de donner une démonstration générale.
Newton, pour éviter la supposition des infiniment petits, a
considéré les quantités mathématiques comme engendrées par le
mouvement, et il a cherché une méthode pour déterminer direc
tement les vitesses ou plutôt le rapport des vitesses variables avec
lesquelles ces quantités sont produites 3 c’est ce qu’on appelle ,
d’après lui , la méthode des fluxions ou le calcul fluxionnel, parce
qu’il a nommé ces vitesses fluxions des quantités. Cette méthode
ou ce calcul s’accorde pour le fond et pour les opérations, avec
le calcul différentiel, et n’en diffère que par la métaphysique qui
paraît en effet plus claire, parce que tout le monde a ou croit
avoir une idée de la vitesse. Mais, d’un côté, introduire le mou
vement dans un calcul qui n’a que des quantités algébriques pour
objet, c’est y introduire une idée étrangère, et qui oblige à re
garder ces quantités comme des lignes parcourues par un mobile 3
de l’autre, il faut avouer qu’on n’a pas même une idée bien nette
de ce que c’est que la vitesse d’un point à chaque instant, lors
que cette vitesse est variable ; et on peut voir par le savant
Traité des fluxions de Maclaurin, combien il est difficile de démon-