2.64 HISTOIRE
ainsi il y a , suivant lui , des iniinimens grands de tous les
ordres : en sorte, par exemple, qu’un infiniment grand dù
premier ordre est à un du second , comme une quantité finie
est au premier , et de même des iniinimens petits.
Ces prétentions sont étayées dans son livre d’une manière
assez spécieuse. En effet, n’y a-t-il pas des iniinimens grands
doubles , triples , quadruples , ôcc. les mis des autres ? Si on
trace plusieurs lignes parallèles à un pouce de distance l’une
de l’autre , chacune de ces bandes prise d’un point déterminé
vers un côté, n’est-elle pas infinie, et la moitié en étendue
de la même bande prolongée des deux côtés? La bande double ,
triple en hauteur n’est-elle pas double , triple de celle de la
hauteur simple ? Un cercle d’un diamètre infini n’est-il pas un
infiniment grand , eu égard à chacun des secteurs infinis en
nombre dans lesquels il peut être divisé , et dont chacun pro
longé à l’infini , est lui-même infini en étendue ?
Dans les infiniment petits , il semble qu’on peut également
établir differens ordres. Car supposons un arc de cercle infi
niment petit, son sinus verse est troisième proportionnelle au
diamètre et à la corde de cet arc, qui est elle-même un infini
ment petit du même ordre. Ce sinus verse est donc un infini
ment petit d’un ordre inférieur de petitesse, ôcc. Fontenelle a
même tenté de montrer par un raisonnement métaphysique la
nécessité de l’existence de l’infini géométrique et de ses diffe
rens ordres ; mais d’Alembert fait voir , dans l’article Infini
géométrique de l’Encyclopédie , le peu de solidité de ce rai
sonnement.
Il faut convenir que tout cet ouvrage du célèbre secrétaire
d.e l’Académie est spécieux par ses raisonnemens , et même
par une multitude de considérations géométriques , déduites de
ses principes , et dont les résultats sont d’accord avec ce
qu’on trouve par d’autres méthodes $ aussi fit-il sensation dans
le monde géométrique, et l’on peut encore le lire avec ce plaisir
qu’on éprouve à la lecture d’un paradoxe ingénieusement sou
tenu. Mais si ce système a séduit autrefois quelques géomètres,
on en est aujourd’hui entièrement désabusé. Il a été combattu
par Maclaurin, d’Alembert et divers autres métaphysiciens-
géomètres , au nombre desquels on doit ranger le cit. L’huilier,
qui l’a attaqué avec de nouvelles armes dans la pièce citée plus
haut, couronnée par l’Académie de Berlin , ainsi que dans son
F.xpositio elementarïs , &c. 11 n’est enfin , je crois , plus aucun
géomètre qui prenne à la lettre ces expressions d’infiniment
grand , d’infiniment petit ; il en est comme des indivisibles de
Çavàlleri, que lui-même réduisit à des tranches de surfaces ou
de solides, d’une largueur ou épaisseur pouvant devenir moindre
que