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HISTOIRE
I I I.
Du principe de la conservation des forces vives.
Nous avons donné ci-devant (pag. 618) d’après la Grange, une
idée du principe de la conservation des forces vives ; mais il ne
sera pas inutile d’entrer à ce sujet dans quelque détail. La méca
nique offre souvent des problèmes qui, analysés directement et
d’après les principes ordinaires, jeteroient dans des difficultés
insurmontables. Le génie a su quelquefois s’ouvrir des routes
particulières. Le principe dont nous parlons en est un exemple. Il
consiste en ce que dans toute action des corps les uns sur les autres,
soit qu’ils se choquent, pourvu que dans ce cas ils soient parfai
tement élastiques, soit qu’ils soient liés entre eux par des verges
inflexibles ou par des fils, au moyen desquels ils se commu
niquent le mouvement, la somme des masses multipliées par les
quarrés des vitesses absolues, reste toujours invariable.
Nous avons vu que la découverte de ce principe, qui est ap
pliqué avec succès à diverses recherches, qui seroient, sans lui,
extrêmement épineuses, est proprement due à Huygens , qui
entreprit de démontrer que si plusieurs poids liés ensemble
tombent d’une certaine hauteur, et qu’arrivés au plus bas de
leur chûte, ils soient libres de remonter chacun à la hauteur
déterminée par sa vitesse acquise, le centre de gravité de ces
corps remontera à la même hauteur que celle dont il étoit des
cendu , tandis que tous ces corps étoient liés ensemble. Or , les
quarrés des vitesses avec lesquelles ces corps remontent sont
comme les hauteurs auxquelles ils doivent s’élever. Ainsi , le pro
duit des masses , par ces hauteurs , étant constamment le même,
puisque le centre de gravité commun remonte à la même hau
teur, il s’ensuit que celui des masses , par les quarrés des vitesses,
qui sont \es forces vives, suivant le langage léibnitzien , reste
invariable. De là, le nom de ce principe adopté par ceux même
qui n’admettent point la distinction léibnitzienne entre les forces
vives et les forces mortes.
La démonstration d’Huygens prouve bien , quoique d’une
manière indirecte, que le centre de gravité du corps ne sauroit
remonter plus haut qu’il n’est descendu ; mais l’autre partie de
cette démonstration , dont l’objet est de faire voir qu’il ne mon
tera pas moins haut, ne porte pas également la conviction avec
elle. Aussi ce principe fut-il contredit dans le temps , mais cepen
dant à tort ; car son application à tous les phénomènes méca
niques, est démontrée d’une jnanière directe, et donne constata-