DES MATHEMATIQUES. Part. V. Liv. III. 63i
la vitesse acquise en tombant d’une hauteur d’un pied. Il est
aisé de voir qu’une vitesse triple l’élèveroit à une hauteur neuf
fois plus grande, et ainsi des autres. Or, les forces sont comme
les hauteurs auxquelles le même poids est élevé. Ainsi concluoit
Leibnitz, un corps mu d’une vitesse double est doué d’une forœ
quadruple ; d’où il suit que les forces sont en raison des quarrés
des vitesses.
Le sentiment de Leibnitz avoit trop d’analogie avec le fameux
principe de la conservation des forces ascensionelles de Huygens
pour ne pas lui plaire. On ne sait cependant point précisément
ce qu’Huygens pensa sur cela, mais Leibnitz dit qu’il ne lui
etoit pas contraire ; Huygenius quoque à sententia mea non
alienus. Mais il n’en fut pas de même des autres mathémati
ciens. Leibnitz ne rencontra d’abord par tout que des contra
dicteurs. Son opinion naissoit à peine qu’elle fut attaquée par
i’abbé de Catelan , cartésien zéié jusqu’à l'adoration. 11 entre
prit de répondre à Leibnitz. Il prétendit que son raisonnement
étoit vicieux en ce qu’on n’y faisôit aucune attention au temps
de l’ascension du corps. Il est bien vrai, disoit-il, comme ont
fait d’autres antagonistes des forces vives, qu’un corps qui a
une vitesse double s’élève à une hauteur quadruple , mais il
ne le fait que dans un temps double. Or, produire un effet
quadruple, dans un temps double , n’est pas avoir une force
quadruple, mais seulement double.
Le cit. de la Lande, dans son Astronomie, art. 35o5, remarque
aussi que l’espace parcouru qui indique la force est comme la
vitesse simple, si on considère l’espace^ parcouru dans un
temps déterminé; il est comme le quarré de la vitesse, si l’on
ne demande point en combien de temps cet espace est parcouru.
Mais il lui semble qu’il est plus naturel de considérer la force
dans un temps donné ; sans cela on diroit qu’une tortue a au
tant de force à la course qu’un lièvre, car, avec le temps, elle
parcourroit le même chemin; un enfant auroit autant de force
que celui qui porte un sac de bled de 240 livres, poisqu’avec
le temps et par parties, l’enfant porteroit tout le bled. D’ailleurs,
le mouvement se continue à l’infini, ainsi toute force se roi t infinie
si l’on n’avoit pas égard au temps.
Papin si connu par sa machine à ramollir les os fut aussi
un adversaire de Leibnitz ; mais le parti de celui-ci s’étant accru ,
tous les mathématiciens célèbres furent divisés entr’eux sur cette
question.
Jean Bernoulli entra en 16q4 en commerce de lettres avec
Leibnitz. Celui-ci ne manqua pas de lui proposer les raisons
sur lesquelles il se fondait pour avancer sa nouvelle doctrine.