PÉRIODE DE TRANSITION
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Je ne connais par les raisons sur lesquelles se sont appuyés les trop
succints continuateurs de Y Histoire architectonique de la Basilique de S. Marc
entreprise par le regretté Cattaneo (*), pour écrire que la pala de cet autel
est « un peu postérieure à l’érection de la Chapelle ».
En tout cas la date de 1430 me semble suffisamment explicite.
Au point de vue de l’architecture et de la décoration cet autel est com
posé et proportionné d’une manière élégante; même les détails ornementaux
accusent une délicatesse de goût spéciale et à ce propos et comme innovation,
je trouve charmante la pensée de placer sur les acrotères (qui terminent les
arceaux mixtilignes latéraux) des corbeilles remplies, en guise d’offrandes, des
plus savoureuses productions de la terre.
Mais ce qui l’emporte en mérite dans ce travail, c’est la partie statuaire.
Les figures des niches, excepté le Bambino, sont habilement proportionnées
et la Vierge, qui est une répétition du type hiératique dérivé de l’École Pisana,
a de grandes affinités avec celle déjà citée placée sur l’ambon de droite au
côté de la grande balustrade de la même Basilique (v. fig. 64).
Selvatico ( 2 ) dit à propos de cet autel : « Dans la ligne architectonique
» des aiguilles qui dominent les niches, on trouve le même contraste de cour-
» bes et de droites que dans le Portail de la Carta et la même manière de
» fouiller et de disposer les feuilles. Les niches sont à arc rond, et portent
»dans leur demi-coupole l’écaille de coquille qui marque déjà l’introduction
» de l’architecture latine dans l’archi-aiguë. Puis les statues qui rappellent en
» partie l’école pisane, ressemblent en partie à celles des frères dalle Masegne,
» se rapprochent beaucoup de celles de Bartolommeo (Bono), quoiqu’ elles me
» semblent plutôt façonnées suivant l’idéal des trécentistes, et même plus élé-
» gantes dans les proportions générales. Et ne pourraient-elles pas être de
» Giovanni Bon, le père, qui devait assurément plus que son fils puiser aux
» antiques traditions de l’art? Je ne puis l’affirmer, mais j’ose cependant dire
» que Cicognara (!) a commis une grosse bévue en voyant dans la Vierge et
» les statues latérales la main des Pisani ».
Si l’opinion de cet écrivain semble à première vue avoir pour elle la
comparaison architectonique en question, je ne la trouve pas toutefois exacte
quant aux ornements qui par leurs détails rappellent plutôt des travaux de
la vieille école des dalle Masegne. Je reviendrai plus loin sur l’hypothèse
exposée par lui pour ce qui concerne l’action de Giovanni Bono ; mais, en
attendant, relativement à Bartolomeo, je dirai que les trois statues de cette
pala, étant donné les sveltes proportions, la diverse disposition et légèreté des
draperies, la différence de forme et de type des têtes et en particulier les
extrémités traitées avec une certaine maigreur affectée et nervosité dont ce
( 12 ) Texte 1t., p. 52.