130
PREMIÈRE PARTIE
architectonique, les modénatures et les ornements appartiennent encore au
style ogival. Sous ce rapport, et en tenant compte des aiguillettes renversées
et des cimiers de couronnement, elle prend un aspect sobre et élégant. Élé
gance d’ailleurs en parfaite harmonie avec les profils gracieux et la finesse
d’exécution. A l’encontre d’une foule d’œuvres de même style dans lesquelles
prédomine à l’excès la décoration architectonique, elle est au contraire suffi
samment bien disposée pour faire ressortir la partie statuaire. Et je dis suf
fisamment bien, car dans les niches plus d’une figure est un peu sacrifiée.
Quant à la statuaire il existe une notable différence de rapports entre
les dimensions des statues des deux ordres, et par conséquent on est en pré
sence de ciseaux différents.
Les têtes des demi-figures de femmes qui, sans la coiffure, paraissent
copiées sur un seul modèle, s’éloignent par un certain réalisme des formes
des autres travaux vénitiens, et ont par l’ossature allongée et les traits du
visage quelques légères ressemblances de physionomie avec le type allemand.
Les mains, si l’on en excepte une grâce forcée dans le mouvement de
l’index et du petit doigt, sont modelées par un artiste exercé, et bonne d’ail
leurs est la disposition des plis des vêtements qui en certains endroits accu
sent de nouvelles tendances.
Selvatico et autres ont attribué cet autel avec ses statues à l’école des
dalle Masegne.
Cette opinion n’a toutefois d’autres bases évidentes que le genre des
détails décoratifs, la disposition générale des figures et dans la Vierge la pose
et l’arrangement des plis.
La comparaison de ces demi-figures avec les statues du monument voisin
Emiliani ne confirme guère l’assertion de ces écrivains, et dans celles-ci, non
encore à l’abri d’un certain maniérisme, l’influence des modes élégantes du
nouvel art toscan se manifeste avec une tout autre intelligence de la forme et
avec une recherche de la grâce qui n’a pas de rapport avec ce tombeau.
Je retrouve d’ailleurs les physionomies caractéristiques de ces demi-figures
dans une bonne Madone avec l’Enfant placée dans le tabernacle au-dessus du
mont-de-Piété à Chioggia.
L’influence de la Renaissance et peut-être aussi d’une nouvelle école
surgissant à Padoue, se montre encore plus saillante dans les draperies et
dans le réalisme (non toujours de bon choix et bien interprété) des extrémités
des Saints dans les niches inférieures de cet autel. Qu’on remarque les mains :
la dernière phalange du petit doigt, au lieu d’être légèrement tournée vers les
autres doigts, marque une ligne raide et est même parfois dirigée vers l’exté
rieur. Un défaut analogue d’observation de la nature qui est également ca
ractéristique dans la statue citée de S. François sur la grande porte se retrouve