PÉRIODE DE TRANSITION
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manières différentes de celles qu’ on remarque sur le Portail de la Carta. Bar-
tolomeo Bono par rapport à son temps et au milieu est un artistes des plus
originaux, tout au plus esthétiquement influencé par l’art toscan du commen
cement du siècle.
Pour donner raison à l’assertion susdite et à cette divergence il faudrait
au contraire attribuer plusieurs des susdites statues à Giovanni Bono.
Nous n’avons, du reste, aucun document sérieux qui nous indique une
sculpture exécutée uniquement par ce maître, et il ne resterait plus par con
séquent qu’à se ranger à l’opinion de Selvatico (*) sur l’autel de la Chapelle
des Mascoli, à savoir qu’il dut plus que son fils s’en tenir aux vieilles tradi
tions artistiques.
Toutefois en s’égarant ainsi dans le domaine indéterminé des conjectures,
on trouverait, seulement dans mon livre, une foule d’autres noms d’artistes
qui, au XV e siècle, exécutèrent des statues à Venise et parmi eux assurément
un certain nombre procédant de l’école des dalle Masegne.
Il esc au contraire beaucoup plus probable que Giovanni Bono prît part
comme tailleur de pierres tant à la construction de la façade ( par exemple
aux ouvertures) qu’aux travaux intérieurs de l’Église.
Si la grande porte est, relativement aux dimensions, en bons rapports
avec la façade, on ne peut en dire autant de l’harmonie du style. On y ren
contre cette altération caractéristique de formes qui est une des marques
spéciales des œuvres de la véritable période de transition, bigarrure souvent
due à l’emploi simultané d’artistes d’écoles différentes, et si esthétiquement
elle n’est pas très précieuse, elle est d’ailleurs très intéressante pour l’étude
de l’évolution de la Renaissance.
Dans ce portail (Partie I, PI. 25) à l’emploi purement décoratif d’un
mince arc infléchi orné des grands feuillages rampants tant aimés des véni
tiens, est opposé l’arc à plein cintre lourdement décoré d’une large bande à
cannelures d’origine classique; et aux légères rampes supportant avec des
touffes de feuilles une architrave inutilement soutenue font un contraste sévère
les robustes colonnes avec piédestaux et avec chapiteaux déjà romanisant par
les abaques concaves avec fleurs, par les volutes angulaires et même par le
type du feuillage où l’on sent évidemmeut l’effort pour imiter l’antique.
Le même esprit d’imitation ressort encore des ornements végétaux le
long de toute la gorge de l’architrave, tandis que sur les autres points ils ne
s’écartent point du type ancien.
A l’inégalité de hauteur des colonnes, corrigée par les différentes dimen
sions des gorges, on devine que les fûts proviennent de quelque édifice démoli.
(*) Texte It., p. 54,