PRÉFACE
nous plus qu’ ailleurs par le Gouvernement et les simples particuliers. Elle vi
sait surtout et immédiatement au côté pratique et utilitaire, avec une direction
rationnelle et conforme à un pays dont la force et la prospérité dépendaient
essentiellement des conquêtes, des progrès du commerce et, je le répète, d’une
politique intérieure sagement organisée et par conséquent ennemie de tout chan
gement que n’ avait pas sanctionné 1’ expérience.
Peu de temps après que, dans les autres régions, le culte de la forme eut
recommencé à être en honneur et que le talent eut pu s’affranchir des liens
conventionnels par lesquels le mysticisme hiératique avait longtemps fait de
l’Art comme un métier, même à Venise, les entraves byzantines renversées,
commença à fleurir la sculpture précédant de peu la grande réforme architec
tonique de la Renaissance. Et alors comme il arrive pour les Arts primaires
qui sont la plupart indépendants des besoins de la vie et des conditions du sol
et dont le principal objectif est de représenter 1’ homme soit directement tel
qu’ il est, soit indirectement en choisissant pour modèle les grandes produc
tions de l’Art antique, le goût local ne put plus se dessiner dans l’œuvre
du sculpteur avec des caractères aussi évidents que dans les édifices contem
porains.
Toutefois à la vigoureuse impulsion donnée à l’Art vénitien vers la fin
du XIV e siècle grâce à nos grands sculpteurs dont les impressions et les œu
vres font songer aux artistes les plus distingués de la Toscane, ne succéda pas,
comme dans cette terre éminemment féconde en grands architectes et sculpteurs,
un progrès esthétique correspondant.
Au contraire, à quelques exceptions près, la sculpture dut subir pendant
une longue période les influences stationnaires provenant du manque d’indivi
dualité et de 1’ atavisme d’écoles, revêtant ainsi souvent des caractères qui font
suffisamment distinguer des autres travaux contemporains les productions de
notre Art.
A Venise, relativement aux autres contrées d’Italie, la période de transi
tion entre l’Art médiéval et celui de la Renaissance, par sa longue durée ou
pour mieux dire par le nombre des œuvres qui la déterminent et conséquem
ment par 1’ action des divers et nombreux artistes dont quelques-uns figurent
encore, même la réforme achevée, a une telle importance qu’ elle mérite une
étude à part et ne saurait se contenter assurément d’un ou deux chapitres
en tête d’un livre intitulé « La Renaissance ». C’est pourquoi j’ai voulu con
sacrer exclusivement ce volume à l’examen des œuvres architectoniques et
des sculptures qui appartiennent et se rattachent à notre période de tran
sition.
Pour la glyptique et également pour la plastique appliquée aux métaux
sous forme de médailles, plaquettes etc, je réserve un chapitre spécial du second