PREMIÈRE PARTIE
198
semble des riches décorations, chacun des détails ajoute une valeur telle que
l’amateur a peine à en détacher les yeux.
Quelle ne devait pas être l’impression produite par ce monument à peine
terminé ?
Quand les luxuriantes sculptures des accoudoirs et des cloisons et les
figures (non rongées comme aujourd’hui par les vers et usées par le contact
et le frottement des mains ) accusaient franchement la finesse et la sûreté de la
gouge maniée par ces grands artistes ?
Alors que les marqueteries à perspectives et les dessins géométriques
combinés de la manière la plus exquise, se dessinaient nettement dans les carrés
des dossiers et le long des différentes bandes et superficies planes ?
Comme 1’ effet devait en paraître somptueux lorsque les dorures encore
fraîches reluisaient sur les feuillages marquetés des frises, sur les modillons
et sur les arceaux et dans les détours des doubles niches striés d’azur; et
quand sur l’azur du fond émergeaient, brillant de l’or le plus fin, les aiguilles
et les pointes ornées de feuillages vivants et surmontées de figurines battant
des ailes ?
Mais là où 1’ on voit, encore aujourd’ hui, surtout le mérite artistique
de ce travail, c’ est dans les demi-figures de Saints et de Saintes sculptées en
bas-relief dans les carrés supérieurs des dossiers ( non toutes contemporaines
cependant ). La plupart de ces sculptures dépassent les limites de 1’ art décoratif
et 1’ on y admire spécialement la manière vériste de traiter les têtes souvent
tournées en trois points, la forme recherchée et gracieuse de quelques mains
et les vêtements pliés avec bon goût et exécutés con amorc e maestria.
Dans quelques têtes de femmes la physionomie rappelle légèrement tel
tableau exécuté à Venise par des maîtres influencés par l’école allemande.
Des analogies de style avec les chœurs de S. Zacharie et de S. Marie
des Frari se retrouvent encore dans celui qu’ exécuta Marco Cozzi pour le
Dôme de Spilimbergo entre 1474 et 1477, où Marco eut, pour l’aider dans
ce travail, son fils Giovanni ( v. texte et note 4 de la p. 84 du T. J).
Vient ensuite dans 1’ ordre du temps le chœur de 1’ Église de S. Étienne
premier martyr, à Venise. Toutefois d’après un document intéressant publié ( 4 )
par le comm. Stéfani ( mais, à mon avis partagé du reste, accompagné de
remarques assez inexactes relativement à la date du travail et à son auteur ),
j’ ai pu me convaincre que, dès avant 1481 une bonne partie de ce travail avait
été préparée et exécutée par maître Leonardo Scalamanzo sculpteur.
Par ce document, en date du 27 Février 3481, concernant un jugement
rendu dans le procès de Scalamanzo avec le monastère de S. Stefano, on voit
que celui-ci fut condamné à payer en plusieurs fois au susdit maître le reste
( 1 ) Texte It., p. 86.