PÉRIODE DE TRANSITION
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(’) Texte It., p. 18.
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maîtres florentins ; admettre au contraire ce groupe parmi les travaux d’école
vénitienne et 1’ attribuer, comme on V a fait, à Bartolomeo Bono, constitue, à
mon avis, une erreur provenant du défaut d’analyse et de comparaison, assez
fréquent chez les critiques d’Art, auxquels manque le plus indispensable des
titres, à savoir la pratique de 1’ art du dessin.
Dans le cas présent les comparaisons ne sont pas difficiles par suite du
voisinage des travaux des Bono dans la Porte de la Carta (v. P. 1, pl. 13).
Comparaisons qui permettent d’attribuer à ces maîtres l’Ange Gabriel au-
dessus de la colonne angulaire de la loggia supérieure, bonne figure, mais plu
tôt maniérée et enveloppée de draperies quelque peu exagérées.
A propos du groupe ci-dessus nous lisons dans Le Cicerone (*) : « Le Ju-
» gement de Salomon, il est vrai, n’a jamais été, dans aucune œuvre figurée,
» ni mieux compris ni mieux senti : c’ est un travail qui, à cet égard, mérite
» d’être préféré même à la célèbre composition de Raphaël ».
Ruskin, au contraire (?), comparant cette sculpture avec les travaux con
génères exécutés dans le Palais Ducal par les trécentistes, avoue bien que les
allures du dessin y sont beaucoup plus libres et qu’ elle est excellente sous
une foule de rapports, mais trouve néanmoins quelle ne peut être jusqu’ à certain
point préférée que par un observateur insouciant, parce qu’elle est d’un esprit
prodigieusement inférieur pour 1’ exécution, « immeasurably inferior spirit in
the workmanship ».
Toutefois, il ne justifie son opinion que par la mesquine comparaison d’un
accessoire, c’ est-à-dire en comparant les feuilles du figuier entre 1’ Adam et
1’Ève de l’angle Sud-Ouest, avec celles du même arbre dans le Jugement de
Salomon, qui d’après lui seraient mal insérées et dépourvues de vérité ; opi
nion qui n’ est pas exacte, parce que dans le figuier du XIV e siècle les feuilles
sont distribuées suivant un type très singulier et ont même quelque chose d’ar
tificiel. Défaut qu’ on ne rencontre certainement pas dans le travail du XV e
siècle, où les feuillages sont disposés et exécutés avec plus de goût artistique,
sans s’ écarter pour cela de la réalité ou ressembler, comme le prétend notre
auteur, à des draperies en désordre : à moins qu’ il n’ ait voulu prendre pour
intactes les parties déformées par 1’ usure ou autres causes accidentelles.
Il est bon de rappeler à ce propos que les feuilles digitées du Ficus Ca
rica L. varient très souvent par le degré de profondeur et largeur des lobes,
fait que 1’ on peut facilement constater même sur une plante, et il n’ est pas
rare d’y trouver des feuilles tout à fait indivises, cas toutefois qu’on ne' ren
contre pas dans les figuiers de ces deux groupes.
Ensuite établir un point de comparaison entre les travaux du XIV e siècle
avec ceux d’une époque postérieure, où 1’ art, déjà fort de l’expérience du passé,