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PREMIÈRE PARTIE
sont un peu plus grandes que la hauteur du champ ajouré qui est égal et au
double intervalle des axes de deux colonnes consécutives du même ordre, et
à la hauteur de celles delà loggia supérieure dans laquelle au contraire l’en
trelacs à jours est moindre que les deux tiers de leur hauteur. La partie infé
rieure de ce dernier entrelacs se compose d’arcs aigus en tiers-point, tandis
que ceux d’en face, en haut, sont à arc aigu aplati. Ce genre d’entrelacs com
mençait alors à se répandre dans l’architecture vénitienne.
Le riche ajour dans l’ordre inférieur n’est qu’une dérivation, peut-être
trop agrandie, de celui de la loggia extérieure du Palais Ducal, et tandis que
dans l’air majestueux de ce dernier triomphe l’idée architectonique, dans
l’autre au contraire l’extrême ou plutôt la minutieuse recherche du jeu et de
l’inflexion des courbes accuse un décorateur influencé par les combinaisons du
gothique. Le grand ajour du palais des Contarini, comme expression orne
mentale, rappelle celui de la rangée de fenêtres du palais Arian à l’Ange Ra
phaël, édifice qui, d’après quelques-uns, aurait été complètement construit dans
la première moitié du XIV e siècle ; toutefois cet ajour et autres parties de style
ogival à l’intérieur sont peut-être d’une date un peu moins ancienne.
Et ici se présente la question : quel fut à proprement parler 1’ architecte
de la Cà d’Oro ?
En suivant aveuglément Cecchetti et en s’en tenant aux quelques indications
fournies par lui et par conséquent sans pousser plus loin les recherches, on a
écrit que la « façade de ce palais avait été élevée sur 1’ ordre des Contarini
« par Giovanni et Bartolameo Bon, père et fils, de 1424 à 1430 (*) ».
Dans les papiers relatifs aux constructions que firent exécuter en ce siècle
les particuliers (désireux d’avoir en résumé le mérite de toute chose) on trouve
très rarement le titre de proto maestro donné à l’architecte réellement chargé
de la direction et exécution des travaux, et les notes et registres de Marino
Contarini ne nous offrent aucun maître honoré de ce nom. D’un autre côté
nous n’avons pas certainement tous les contrats, qui durent nécessairement
être passés pour les nombreux travaux qu’il s’agissait d’exécuter; et il faut
tout particulièrement déplorer la perte de ceux qui auraient pu contribuer à
mieux délimiter l’action de Matteo Reverti et du conseiller de Contarini,
c’ est-à-dire de Marco d’Amedeo, à qui revient sans doute le mérite de la pre
mière conception architectonique de la reconstruction. Première conception
seulement parce que, avec le système adopté par Contarini de répartir entre
différents maîtres les travaux de pierre, et par conséquent étant donné la ri
valité cherchée et assurément inévitable entre ces groupes d’artistes d’écoles
différentes, et à laquelle Marco d’Amadeo ne pouvait prendre part qu’indi
rectement, le grand déploiement de richesses architectonico-décoratives, qui
( ! ) Texte It., p. 27.