PÉRIODE DE TRANSITION
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donne surtout à cet édifice un caractère artistique, fut principalement V œuvre
des maîtres tailleurs de pierres. Et comme cela ressort des documents cités
plus haut, jusqu’en 1430 la tâche des Bono et de leurs fanti ou servants est
incontestablement inférieure à celle de Reverti, chef d’un nombreux groupe
d’artistes presque tous lombards, dont plusieurs d’un mérite réel, et auxquels
on doit la plus grande partie des travaux intérieurs et bon nombre des tra
vaux extérieurs.
Le travail le plus important des Bono est certainement celui de la cor
niche et de la dentelure, mais l’ajour de l’étage supérieur, sans doute fait par
eux, est toutefois moins important que celui du piano nobile exécuté par Reverti,
maître auquel on doit encore le grand escalier de la cour, la porte d’entrée
avec ses sculptures, les galeries ouvertes et autres parties intérieures. Il ne faut
pas non plus oublier que le nom des Bono ne commence à figurer sur les re
gistres que postérieurement à celui de l’artiste lombard et y disparaît bien
auparavant. Aussi, malgré tout leur savoir, ne peut-on leur assigner le mérite
principal d’une œuvre, qui, comme tant d’autres de la même époque, n’est
que le produit collectif de plusieurs maîtres et du goût et du bon sens ar
tistique de ceux qui y prirent part.
Nombreuses furent les modifications qu’on apporta dans la suite à la
Cà d’Oro, à commencer par l’adossement d’autres constructions. Il est certain
toutefois que les plus grands changements datent de ce siècle.
La planimétrie du rez-de-chaussée (v. fig. 26), remarquable par la dispo
sition des galeries, des passages et des pièces destinées à servir de magasins,
peut encore donner une idée de la manière dont était disposé à l’origine le
grand escalier découvert de la cour, que Ruskin (’} a qualifié de glorieux et
proclamé le monument gothique, le plus intéressant en son genre à Venise.
Mais dans les retouches et les dégâts subis par le palais vers 1847, cet esca
lier qu’ on pouvait encore, malgré son mauvais état de conservation, et qu’ on
aurait dû restaurer, a été au contraire démoli et ses fragments (moins les
lionceaux accroupis de ses appuis-main qui ont été replacés dans les nouveaux
escaliers intérieurs, v. fig. 26, A), ont été tous dispersés çà et là dans d’autres
constructions. Toutefois j’ai pu savoir en m’informant auprès de plusieurs
des capi mastri, qui exécutèrent ce genre de restaurations, qu’il était, quoique
de dimensions moindres, identique à celui que l’on voit encore aujourd’hui
dans la Cour du Palais Contarini à S. Giustina dit aux portes de fer ( 2 ), con
temporain de la Cà d’Oro (v. P. I, pl. 9, fig. 1).
Une des parties les plus caractéristiques de la construction des anciennes
cours vénitiennes était l’escalier conduisant au piano nobile, parfois à ciel ouvert
et parfois abrité, comme je l’ai déjà signalé, par un petit toit.
(* 2 ) Texte It., p. 27.