PREMIÈRE PARTIE
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façade en briques à nu ; ce n’est qu’une fâcheuse interprétation du système
adopté à Venise au XV e siècle. Alors, quand il s’agissait de maçonneries, riboc-
cate, comme on disait vulgairement, alla capuccina, les briques choisies qu’ on
employait étaient marquées (*) sur le côté qui devait rester découvert ; on les
enduisait (un peu après l’achèvement des murs) d’une couche d’huile de lin
cuite, de manière à les préserver de l’humidité et à en renforcer la vivacité
du coloris.
Les riches propriétaires ne se contentèrent plus dans la suite des seules
couleurs des briques et des marbres, ni de la dorure partielle, mais recouru
rent encore à la véritable peinture murale, encadrant et divisant les princi
pales masses architectoniques par des ornements disposés d’une manière ana
logue aux bandes sculptées à la byzantine dans la Cà d’Oro, laissant ainsi de
larges superficies de repos. Cette polychromie qui, vu les conditions spéciales
de l’ambient, ne pouvait avoir qu’une durée relativement courte, ne fut pas
seulement répétée, mais encore répandue successivement à profusion de ma
nière à recouvrir, au XVI e siècle, les façades tout entières.
Je ne parle pas des divers crépis, avec pâte de terranjo ou de mortiers,
destinés à préserver les murs de l’action corrosive de la salure et à dissimuler
les rapiéçages et les cicatrices de la vieillesse, parce qu’ils sont encore en usage.
Des décorations par la peinture murale adaptées à l’architecture ogivale
et de la Renaissance, nous n’avons que quelques indices dans les perspectives
de fond des tableaux de Bellini, de Carpaccio et de plusieurs autres peintres
vénitiens. Toutefois celui qui voudrait aujourd’hui rechercher dans les façades
des vieux édifices quelque souvenir de ce genre, devrait malheureusement se
contenter de bien peu de chose prêt à disparaître et surtout par la faute des
pseudo-restaurateurs d’édifices, comme ont péri par exemple, il y a quelques
années, les vieilles décorations du palais Gritti Badoer à S. Jean de Bra-
gora (v. fig. 41), remplacées par certains échiquiers en couleurs qui ont l’air
de je ne sais quel dépôt de savons.
A propos du palais Foscari, Sansovino ( 2 ) dit que le Prince, « en le cons
truisant l’éleva de manière à ce qu’il ne parût pas plus que la maison Giu-
stiniana. Celle-ci possède encore une très belle habitation, contiguë à la pre
mière entourée d’un grand espace».
Les deux palais Giustinian (v. fig. 36) contigus furent vraisemblable
ment en grande partie reconstruits, eux aussi, vers la moitié du XV e siècle,
car «on lit que le 39 Octobre 1451 Nicolô et Giovanni Giustinian q. m Ber-
» nardo obtinrent d’acheter à prix d’estimation une petite et vieille maison-
» nette appartenant au défunt comte François, laquelle gênait la construction
» commencée par eux à S. Pantaleone sur le Grand Canal » ( 3 )
(! 2 3 ) Texte It., p. 30 et 31.