PÉRIODE DE TRANSITION
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les formes des modénatures, lesquelles par rapport aux dimensions de la base
et à ses rapports avec les parties supérieures la déchiquetent trop.
Le contour de la porte formé de gros bâtons, de coquilles et d’une bande
décorée de petites têtes de lions offrant alternativement une attitude variée,
est encore reproduit autour de la grande fenêtre.
Les feuillages de la corniche inférieure disposés en deux ordres rappel
lent, par la vivacité de leur mouvement, plusieurs des vieux chapiteaux de
S. Marc, mais ne sont guère finement exécutés. On peut en dire autant de la
seconde corniche et par là même encore des chapiteaux de la trifora.
Non seulement les extrémités des touffes de feuilles sur les cimiers des
grands pinacles, mais encore les pierres de taille brute ou crochets rampant
sur les angles extérieurs, sentent un peu le gothique.
Dans la disposition et forme des ornements des autres corniches, des bal
daquins et des aiguilles, on voit presque toujours des choses déjà en usage de
puis quelque temps.
Mais là où se manifeste l’enthousiasme et la prédominance de l’esprit
décoratif de la période de transition vénitienne, c’est dans le développement
des grandes masses des feuillages montant sur le soi-disant extrados du ma
jestueux frontispice, et surtout par l’introduction d’un des sujets statuaires plus
gais préférés de la jeune Renaissance, c’est-à-dire des « amours ». Et non plus
fragmentairement ou réduits à des demi-métamorphoses, mais entiers, nus, bien
proportionnés, charnus, sans ankylosés d’aucune sorte et presque partout har
monieusement combinés par des mouvements pleins de vie avec la partie déco
rative végétale.
Peut-être que l’application des feuillages aux traits rectilignes n’est pas
bien raccordé avec la concavité supérieure, et que certains mouvements de ces
amours ailés manquent d’agilité et de noblesse; mais en tous cas ce sont là
des taches qui rabaissent bien peu le mérite de celui qui a exécuté ces travaux.
Relativement au type préféré pour ce genre d’amours (et je dis la même chose
de ceux qui tiennent les écussons Foscari sur les piliers ) on devine à première
vue que le sculpteur a pris pour modèle quelque fragment ancien, et en gé
néral dans leurs formes on remarque un certain conventionnalisme, qui rap
pelle indirectement l’original primitif, c’est-à-dire le vrai.
L’influence de la sculpture toscane sur les artistes vénitiens déjà mani
festement (et peut-être plus que jamais) visible dans les œuvres des dalle Ma-
segne, se continua ensuite jusqu’à un certain point par la venue de maîtres
Florentins ('). Mais toutefois nous ferons observer à propos de ces nus que
Venise, si riche de trophées, ne devait pas manquer certainement d’offrir aux
sculpteurs des modèles de ce genre dans l’Art antique, et que depuis plus
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