LA RENAISSANCE.
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influé sur le goût des artistes du milieu; mais cette influence dans le monument
du Doge Marcello n’apparaît que dans la statue de la Justice et même là d’une
façon si limitée, qu’ elle n’ altère pas les caractères particuliers de Pietro Lom
bardo de manière à le confondre avec le fameux sculpteur d’Eve.
Une certaine tendance classique se manifeste dans les statues des vertus
cardinales dans le parallélisme des plis inférieurs des vêtiments de dessous et
dans le modelé simplifié de certaines parties telles que les bras et le cou.
Là où, au contraire, Pietro Lombardo demeure fidèle au premier vérisme
et en offre 1’ un des meilleurs exemples, c’ est dans la figure grandiose et bien
drapée du défunt; elle n’est pas seulement merveilleusement sculptée, elle
exprime encore au degré le plus élevé le calme solennel du dernier sommeil
et l’imposante noblesse du prince. Et dans ce portrait auguste, comme dans le
portrait fièrement majestueux du Doge Pietro Mocénigo, se révéle tout entière
la puissance d’un artiste éminent.
Les nus des petits génies qui déploient le cartel avec 1’ inscription ont,
eux aussi, des affinités avec les anges des panaches de la Chapelle majeure de
S. Giobbe; au contraire la belle tête ailée du catafalque et les chérubins sous
les niches rappellent plutôt les décorations des chapiteaux pensiles des Cha
pelles de S. Michel et la frise de la porte des Ss. Philippe-et-Jacques [v. fig. 49),
exécutés, comme je 1’ ai dit, par d’autres maîtres.
Absolument insignifiante et non assurément exécutée par Pietro Lombardo
est la demi-figure du Rédempteur sur le toit creusé en tuile du monument, et
l’on ne saurait dire que tous les ornements ont été exécutés dans l’atelier de
ce maître, lequel devant en même temps s’ occuper des différentes et nom
breuses œuvres de l’Eglise des Miracles, fut très vraisemblablement, même
dans ce tombeau, aidé par d’autres artistes et spécialement par ce Giovanni
Buora qui, à peu de temps de là, apparaît comme son compagnon dans la
reconstruction de la Scuola de S. Marc.
En 1480 Pietro Lombardo figure dans un contrat entre les moines de
S. Antoine Abbé et les maîtres maçons Giovanni di Giacomo de Còme et An
drea crémonais pour les travaux du réfectoire et des annexes de ce couvent J 1 ).
Cependant la réputation de Lombardo même comme architecte, allait
toujours croissant et bientôt on lui confia 1’ érection de 1’ un des plus impor
tants édifices religieux, c’ est-à-dire du Sanctuaire de S. Marie-des-Miracles ;
œuvre qui suffirait, à elle seule, pour le ranger parmi les premiers artistes de
notre Renaissance.
D’après Malipiero ( 2 ), c’est en 1480 « qu’ a commencé la dévotion à la
» Madone des Miracles, laquelle était à la porte de la Corte Nuova vis-à-vis la
(! 2 ) Texte It., p. 205.