LA RENAISSANCE.
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Relativement à l’esprit ou goût de l’ambient ce monument représente,
il est vrai, pour 1’ époque quelque chose d’exotique parmi nous ; mais étant
donné sa valeur et la possibilité, ceci ne doit pas tout à fait surprendre qui
conque sait à quel degré était alors parvenue sur d’autres points de l’Italie
la manifestation du sentiment de la réforme au moyen des arts du dessin. Et
sinon par 1’ architecture, du moins par la sculpture, même à notre porte, à
Padoue, grâce à Donatello et à ses élèves.
Comme cela ressort du premier volume de mon travail, il y avait parmi
nous, même alors, beaucoup d’éléments nouveaux. Ainsi il appartenait à la
Renaissance ce Domenico dit Duca qui en 1460 était encore surnommé da
S. Zacharia, église dans laquelle il passa une bonne partie de sa vie à tra
vailler ( 1 ).
On en peut dire autant de plusieurs maîtres comasques ou luganais qui
demeuraient à Venise et qui très vraisemblablement eurent de fréquents rap
ports, et étaient même unis par des liens de parenté, avec leurs divers compa
triotes qui travaillèrent à Rome et ailleurs à côté des premiers artistes de la
Renaissance. Mais parmi les lombards qui se trouvaient alors à Venise, on ne
saurait chercher avec quelque certitude que les exécuteurs du monument et
c’est ailleurs qu’il faudrait en découvrir l’auteur principal. J’esquisserai ce
pendant quelques hypothèses.
Une certaine lourdeur des masses, la forme de certains chapiteaux et la
disposition de plusieurs membrures, ne sont pas, à mon avis, sans affinité avec
les travaux qu’ on attribue au florentin Michelozzo Michelozzi, par exemple la
chapelle Portinari contiguë à la Basilique de S. Eustorge^à Milan, bâtie
en 1462. Mais à propos de ce maître qui travailla depuis même à Raguse, nous
n’avons plus, à partir de 1434, aucune preuve qu’il soit revenu à Venise, et
d’un autre côté, dans la chapelle Portinari, certaines conciliations avec le goût
de l’ambient, presque dans la même mesure que dans la porte de l’Arsenal,
font plutôt penser à quelque autre disciple de Brunelleschi. Et les sculptures
de notre édifice ne sauraient autoriser à y voir la main di Michelozzo.
L’hypothèse d’un semblable projet de la part d’Averlinô ou Filarete,
qui à cette époque faisait à Venise des relevés pour Sforza, a contre elle non
seulement les différentes caractéristiques des œuvres connues de ce maître,
mais encore 1’ absence dans ses Traités d’Architecture de toute indication à ce
sujet.
Georges Vasari raconte au contraire, dans la vie d’Alberti, que, outre
les travaux projetés par ce maître à Rome, Rimini, Florence et Mantoue, « sur
» la route qui va de Mantoue à Padoue se trouvent plusieurs temples bâtis
» suivant la manière de celui-ci », et plus loin il ajoute qu’ « il représenta en-
P) Texte It., p. 141.