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SECONDE PARTIE
avec l’innocence et la félicité de nos premiers parents dans l’Éden rappelées
dans la face opposée où se trouve même, je l’ai déjà dit, répété dans les lignes
générales le même motif ornemental.
On pourrait donc, ce semble, conclure du résultat de cette analyse que
les maîtres qui concevaient ces œuvres et d’autres encore plus importantes
voulussent faire concourir les éléments classiques à exprimer un concept allé
gorique religieux.
Mais malgré cette vérité, il est juste de reconnaître que les moyens em
ployés dans ce but ne pouvaient que d’une manière imparfaite ou même for
cément répondre à une pensée aussi élevée; car l’ambiguité de l’expression
et la forme même démesurément libre de tous les attributs et fragments sym
boliques empruntés à l’art plus vigoureux du paganisme devaient inévitable
ment troubler et obscurcir l’allégorie chrétienne. Ainsi on n’y trouve pas cette
force d’impression par laquelle l’œuvre peut éveiller un sentiment moral pur
et profond. Et au contraire tant dans ces compositions que dans les autres de
l’intérieur l’artiste n’a réussi à parler qu’à l’intelligence cultivée de quel
ques-uns, n’offrant au grand nombre que les charmes d’une forme gracieuse.
A propos du Palais Ducal j’ai sommairement dit un mot de quelques-unes
des nombreuses allégories représentées dans les innombrables décorations sculp
tées vers la fin du XV e siècle par les maîtres lombards et dont ont traité et
discouru longuement Zanotto et D. Pietro Pasini. Même à S. Marie des Mira
cles, ces sculpteurs doivent très vraisemblablement avoir cherché à donner une
signification à plusieurs des ornements qui en guise de contribution enrichissent
les divers pilastres de l’intérieur. Toutefois ici l’interprétation est beaucoup
plus scabreuse par le défaut d’indications, d’inscriptions et de sigles, et peut-être
encore par la difficulté que rencontraient les artistes de concilier certains sym
boles profanes avec le caractère sacré du lieu; raisons pour lesquelles, à une
pareille distance, le sens de la chose demeure aujourd’hui lettre morte ou
indéchiffrable non moins que les rebus sïbillini. Aussi pour en finir et ne pas
ennuyer plus longtemps le lecteur, terminerai-je ces observations par un der
nier exemple que j’ ai pu découvrir et qui sert encore une fois à montrer que,
même dans les travaux insignifiants, ce n’était pas toujours uniquement le cri
térium décoratif qui guidait la main des maîtres de notre Renaissance.
Lorsque furent si sagement enlevés de leur place les deux autels de
Girolamo Campagna adossés à la séparation ou palier, on vit reparaître deux
excellents pilastres des balustrades sur l’un desquels (v. PI. 17 fig. 1) se trouve
au milieu une petite planche avec les lettres T • F * T qui, imaginèrent quelques-
uns, rappelaient le sculpteur. Mais étant donné les rapports existant entre les
divers attributs ou sujets (les dauphins, les armes, la balance, l’olivier, le
laurier et le vase avec feuilles, grappes de vignes et trois fleurs) combinés