SECONDE PARTIE
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Et ce n’est pas seulement dans la belle statuette du Séraphique que je
découvre ici les manières des fils de Pietro Lombardo; mais encore dans celle
de Jean-Baptiste où apparaît bien mieux le froid conventionnalisme de Tullio,
et peut-être encore dans la caractéristique lourdeur des anges (en vérité mal
proportionnés au sujet principal) qui soutiennent le beau corps du Christ mort
dans le haut relief de l’attique.
Que le tabernacle tout entier soit l’œuvre de maîtres qui travaillèrent à
S. Marie-des-Miracles, on peut aisément le constater en le comparant avec
les deux gracieux tabernacles d’ordre ionique disposés aux côtés de l’arc
de triomphe de cette Église (y. PI. 4 et PL 17 fig. 5), dans lesquels, outre les
perspectives, les riches ornements et les marbres fins, il faut encore admirer
pour le mérite de l’exécution les demi-figurines du Père Éternel bénissant.
Dans le tabernacle des Frari, travail de plus grande importance, il faut
remarquer en outre la partie ornementale (qui garde de bonnes traces de do
rure) surtout pour la sculpture des feuillages. Même la petite porte métallique
où est représentée la Madeleine pénitente est un travail du temps ( 1 ).
A Sainte-Marie-des Miracles les parapets, aux balustres si gracieux, se
terminent, comme on l’a vu, à chaque extrémité par deux ambons ou chaires
supportées par de riches consoles à volutes, sur chacune desquelles est un
pupitre en marbre décoré de l’aigle symbolique (v. PL 4, 15 fig. 1 et PL 16 fig. 3).
Dans ces deux travaux, qui ne diffèrent peu entre eux que par la facture
des détails, on ne sait lequel admirer le plus ou l’intelligence de 1’ artiste qui
dans la pose superbe et la fière expression des têtes a pu si bien exprimer le
caractère de cet animal, ou encore l’habileté de l’ouvrier à modeler et surtout
à sculpter avec tant de naturel et de franchise les pennes des grandes ailes,
les plumes des robustes corps et les serres.
A 1’ auteur de ces sculptures, qu’ il plaça certainement çà et là successi
vement dans la grande frise extérieure (v. Pl. 28 fig, 2 ), doit encore être attribué
un beau fragment de la collection Bardini à Florence [v. fig. 12 f) exécuté pour
Alphonse i er , Duc de Ferrare ( 2 ). Et au même ciseau appartiennent même les
aigles répétés sur différentes autres merveilleuses décorations de marbre ( dont
ce fragment faisait partie) exécutés pour le même mécène en 1505 (v. Pl. 80 bis)
lorsque précisément Antonio Lombardo était à Ferrare à son service ( 3 ).
Ceux qui ont 1’ œil exercé à ces sortes de comparaisons ne peuvent pas
ne pas remarquer les titres de parenté qui, même pour d’autres éléments de
forme et de goût, existent entre cette dernière et riche série de travaux et les
œuvres suivantes déjà signalées pour la plupart et sur lesquelles il est utile
de revenir et qui sont :
Le monument du Duc Borso dans le cimetière de la même ville (v. fig. 141)',
( 123 ) Texte It., p. 216-217,