LA RENAISSANCE.
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Enfin pour résumer le mérite esthétique de 1’ entrée architectonique de
l’Arsenal et spécialement en ce qui concerne certain défaut d’équilibre entre
le concept et les détails, je ferai ici l’application du mot de Sénèque, à savoir
que: « tout commencement est loin d’être la perfection ».
ANTONIO RIZZO.
En dehors des travaux du Palais Ducal nous avons peu de détails sur
cet architecte et sculpteur, le plus grand des artistes qui dans la période de
la Renaissance travaillèrent à Venise, et dont le nom parfois oublié et parfois
étrangement confondu avec celui des autres maîtres a droit en toute justice à
être mis plus en relief.
De Rizzo comme sculpteur nous n’avons qu’une seule œuvre portant sa
signature, c’est la célèbre statue d’Ève qui fut placée dans l’une des niches
latérales de l’Arco Foscari peu de temps assurément avant que cette partie
du Palais Ducal fût achevée sous le Doge Giovanni Mocenigo (f 1485). Statue
qui, avec celle d’Adam, dut être exécutée, suivant quelques-uns vers l’an
née 1462 et à louange de laquelle Rafaello Zovenzonio adressait le distique
suivant' à Crispo Veronensi marmoraio clarissimo :
Si tua forma fuit, quae marmore vivit in isto,
Ouod mirum, si vir paruit, Æva, tibi! (*)
Dans cette figure (P. 11, pl. 45 et 58 fi g. 1 et fig. 5 ) dont la pose, comme
l’écrit justement Selvatico ( 2 ), rappelle l’une des nombreuses Vénus antiques,
le sculpteur a toutefois choisi pour modèle le vrai, comme on le devine aux
traits du visage, au cou, aux épaules, aux bras, aux extrémités, au modelé des
seins (plutôt rapprochés) et à la forme des jambes. Mais sur un point ce tra
vail rappelle le conventionnalisme classique des statues antiques, et c’est dans
l’arc costal ou fourchette de l’estomac.
Tandis que je trouve peut-être un peu trop relevés les côtés (caractéris
tique des figures de Rizzo), plutôt raide la disposition des mains, médiocre
l’attache de la droite et dans les yeux un peu tombante la paupière inférieure,
ce qui y produit une hauteur exagérée de la bulbe, je ne partage pas au con
traire le sentiment de Selvatico qui voit dans ce nu « les jambes et les han
ches profilées non avec une juste observation du naturel ».
Pleine d’expression, magistralement faite et modelée avec une profonde
connaissance du corps humain, telle est la statue d’Adam dans l’autre niche du
même côté de l’Arco Foscari (P. 11, pl. 48 fig. 2). Cette sculpture n’est signée
( 1 2 ) Texte It., p. 142.