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SECONDE PARTIE
suivent les yeux fermés, il ne resterait donc plus qu’à attribuer à Leopardi
la partie architectonique et la partie ornementale, et quoique, à priori, ceci serait
à dédaigner pour ne pas enlever à ce maître des travaux qui convenaient
mieux à son art, toutefois en mettant encore en comparaison le piédestal, du
monument Colleoni (v. PI. 103) avec le mausolée Vendramin, je n’y trouve rien
qui puisse faire prendre en considération l’hypothèse de Temanza.
Différents sont les rapports des éléments architectoniques qui composent
ces deux œuvres insignes: ainsi, tandis que, dans le tombeau Vendramin, la hau
teur de l’entablement est à celle de la colonne (base et chapiteau compris)
comme 1 à 4, et que le diamètre des fûts, à l’escape inférieure, est environ un
dizième de la hauteur des colonnes, au contraire, dans les parties analogues du
piédestal de Leopardi, les rapports approximatifs se traduisent par les nombres
3/10 et 1/8.
Différences de proportions qui cependant correspondent très bien au ca
ractère différent requis par ces monuments et dont on ne pourrait certes en
aucune façon tirer une raison d’analogies. Et alors où trouver les affinités entre
ces travaux? Peufêtre dans les colonnes en forme de fuseau? Non! car il y
avait déjà nombre d’années qu’elles avaient fait leur apparition à Venise et cela
avec plusieurs maîtres. Peut-être dans les formes des corniches et des bases?
Encore moins ! Et moins encore dans le type et les détails des frises et des
chapiteaux (cf. PI. 137 fig. 3 mon. Colleoni et fig. 162), parce qu’ils sont com
posés et exécutés par des maîtres qui n’ont rien de commun entre eux.
Müntz qui a voulu faire ressortir que dans le mausolée Vendramin la niche
est supportée par des colonnes et non plus par des pilastres, montre que, comme
tous les autres écrivains, il regarde cette œuvre comme antérieure aux tombeaux
de Niccolô Marcello et de Giacomo Surian et au portail de la Scuola de S. Marc,
où il aurait pu recueillir d’ailleurs d’autres analogies et preuves convaincantes
relativement à la véritable paternité du monument Vendramin, dont on devrait
par conséquent exclure toute influence de Leopardo, pour 1’ attribuer au con
traire aux frères Lombardo et spécialement à Tullio qui, outre les caractères
artistiques les plus frappants, y a encore laissé son nom.
L’élégant motif de la composition, la grâce des profils, les somptueuses
et exquises décoratives, le caractère châtié des sculptures et le fini de l’exé
cution j 1 ) faisaient dire à Cicognara que ce mausolée marquait le comble de la
perfection où s’était élevé l’art vénitien par le ministère du ciseau.
Et maintenant que, chronologiquement, la place de cette œuvre et autres
peut en quelque sorte être mieux déterminée, on a une idée plus nette du gra
duel progrès esthétique de notre Renaissance et du point où était parvenue
l’assimilation classique dans les dernières années du XV e siècle.
( 1 ) Texte It., pag. 233.