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SECONDE PARTIE
Parmi les œuvres dignes de mention exécutées dans les dix dernières
années du XV e siècle, nous ne pouvons oublier l’élégant autel qu’on admire
aujourd’hui dans la Chapelle du S. Sacrement à S. Pierre Martyr de Murano
(v. PI. 112 fig. 2) provenant de l’Église voisine de S. Étienne. Sur le tabernacle
qui a été ajouté sont gravées les initiales Z. P. avec la date 1495 et plus bas
les lettres et chiffres P. A. D. 1731.
L’aspect architectonique et la perspective du fond se rapprochent beau
coup des travaux dits Lombardesques ; mais, par le genre des profils et par le
caractère original des ornements et des autres détails, cet autel s’écarte un peu
des types préférés d’ordinaire par les Lombardo ; et il n’y a rien à Venise
qui le rappelle, si ce n’est, sous une forme un peu douteuse, certaines décora
tives des piédestaux de la Chapelle des Corner aux Ss. Apôtres •(v. fig. 119) et
les pilastres du monument Vendramin. Et il pourrait bien encore se faire que
quelque bon artiste de Lombardie venu à Venise avec Cristoforo Solaro y ait
mis la main.
Il faut surtout remarquer, dans le bas-relief qui sert de pala, la manière de
grouper les figures, le sentiment, l’intelligence du nu et la grâce de l’exécution.
Les traits un peu trop contractés des anges et la forme de leurs corps
et même les têtes de chérubins, les emmanchements des deltoïdes à l’épaule
dans le nu du Christ et la façon de particulariser la barbe et les cheveux offrent
au contraire de grandes ressemblances avec les travaux des fils de Pietro Lom
bardo dont les ciseaux se confondent encore ailleurs.
La belle tête du défunt, par lé sentiment, par le modelé et l’exécution soi
gnée des détails, exécution si minutieuse qu’elle n’a même pas oublié les sour
cils, rappelle beaucoup l’admirable statue sépulcrale du capitaine Guida-
rello Guidarelli au Musée de Ravenne [v. fig. 163), attribuée par quelques-uns
au sculpteur Severo (') ravennais, par d’autres à Tullio Lombardo et, à mon
avis, plutôt d’Antonio.
Toutefois les initiales Z. P. qu’on aperçoit sur le susdit tabernacle feraient
croire à première vue qu’il s’agit d’un autre maître ; mais on peut aussi se de
mander si les lettres gravées sur cette custode, œuvre du siècle dernier, ne
rappellent pas plutôt le commettant que l’auteur de la sculpture.
De toute manière il me suffit d’avoir constaté que les caractères -des figu
res révèlent une grande affinité artistique avec les frères Lombardo.
Peu différent de ce travail, soit pour l’expression, un peu matérielle, soit
pour la facture et certainement à assigner à Tullio, est le bon bas-relief en
marbre avec buste de S. Sébastien {y. fig. 166), que le patricien Pietro Conta-
rini dit le philosophe, par testament en date du 30 Juillet 1527, léguait avec
d’autres dons à l’Église des Ss. Apôtres de Venise ( 2 ).
( 18 ) Texte It. pag. 233 et 234.