LA RENAISSANCE.
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l’ingénuité et oû 1’ on entrevoit encore un maître de la Renaissance, il nage
quant au reste en plein conventionnalisme classique.
Et devant ces figures drapées comme des statues antiques et non de la
meilleure école, devant certaines têtes à la bouche ouverte et au regard éteint
exprimant en outre tantôt l’étonnement, tantôt la mollesse d’une extase ( l ) et
avec la chevelure et la barbe presque toujours à l’unisson et qui trop souvent
échappent à toute réalité, devant le choix peu habile et génial des nus, on ne
peut, je le répète, s’ empêcher de constater le manque presque absolu de souffle
et de sentiment esthétique de ce maître.
Excepté dans les travaux exécutés à l’atelier ou sous les yeux de son père,
Tullio ne cherche pas chez les anciens une source d’inspirations profondes
et un correctif ou perfectionnement ; mais au contraire il s’ arrête à la super
ficie des choses, je dirai presque à la simplification géométrique de la forme,
et finit par devenir un imitateur parfois ignorant de la vraie beauté; une fois
identifié avec un type, il le répète sans tenir compte de la correspondance
avec le sujet et en faisant une sorte de spéculation, palliée toutefois par 1’ ha
bileté technique de 1’ ouvrier ( 2 ). D’ un autre côté reconnaissons qu’ il fut sur
tout en Cela favorisé par les tendances de son temps et en particulier, par le
goût non très pur du milieu où il eut à déployer son activité.
A mon avis, le meilleur jugement synthétique qui ait été porté jusqu’ alors
sur ce maître est celui de Burckhardt et de Bode : « Chez Tullio Lombardi, . . .
» le plus occupé, mais le moins doué de ces artistes, T école, surtout dans ses
» dernières œuvres, dégénère en une sorte de maniérisme ; draperies fines avec
» plis parallèles et comme peignées, élégance excessive des cheveux, attitudes
» conventionnelles, monotonie inerte d’action qui, dans les scènes mouvementées.
» tourne à la caricature. Tullio a moins d’intelligence que son frère ... ».
Et nous avons une preuve de la vérité de cette assertion dans le mi-relief
de marbre existant dans la même Chapelle et représentant saint Antoine qui
fait parler un enfant pour défendre la mère (PI. 127 fig. 3). Travail d’Antonio
Lombardo terminé en 1502 ( 3 ) et qui a fait dire aux éminents critiques précé
dents: « Cette œuvre rappelle aussitôt les reliefs funéraires attiques jusque dans
» la mesure et le calme exagéré, peut-être » (!) « des figures, qui sont d’une
» beauté extraordinaire, quoique un peu froide, et d’une exécution par
faite ( 4 ) ».
Quant à la supériorité d’Antonio sur Tullio, surtout pour le goût et la
connaissance de la forme, nous en avons encore des preuves manifestes dans le
bronze du Père Eternel et la Madone avec 1’ Enfant sur l’autel de la Chapelle
Zen à Saint-Marc de Venise ( v. PI. 122) et dans les bas-reliefs exécutés par
lui pour Alphonse d’Este ( v.* pl. 80 bis ). Et à ce propos je ne crois pas inu-
(i 234) Texte i t>; p . 239.