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SECONDE PARTIE
de la Seigneurie, le firent juger digne d’avoir la charge d’une œuvre si im
portante et préférablement sans doute à Bellano qui n’ était pas, certainement
alors, aussi âgé que l’a cru Vasari ( 1 ).
Outre le mérite artistique, ce qui doit avoir beaucoup contribué au choix
de Léopardi, c’ est certainement son habileté à modeler et à couler des pièces
d’artillerie. Art qu’ il exerça, je suppose, même à Ferrare pendant son exil et
dans lequel il dut remplacer, je le soupçonne vaguement, le ferrarais Magistrum
Albergetum peritissimum et Excellentissimum Artificem conficiendorum tormetorum,
p as s avolant orum et aliorum huismodi jnstrumentorum bellicorum, qui, peu de temps
auparavant, à savoir le 2 Mars 1487, avait été admis au service de la Répu
blique de Venise, après la mort de Bartolomeo de Crémone bombardier ( 2 ).
Et ce que je dis relativement aux travaux militaires exécutés par Léopardi
pour les Este, s’ explique en quelque sorte par la teneur des sauf-conduits
qu’ il obtint du Conseil des Dix, et dans le premier desquels il est dit : ut tali
medio revocatur a mansione in urbe Ferrarie ad quam se reduxit et ubi non facit
pro Dominio quod stet ( 3 ).
A Alessandro Leopardi revient 1’ honneur du superbe et original piédestal
sur lequel se dresse la statue équestre de Colléoni.
Et j’ai dit se dresse (grandeggia), car le motif architectonique choisi et
les élégantes, quoique vigoureuses, proportions des masses n’amoindrissent, à
1’ œil, et aucunement les figures et même contribuent à les faire paraître plus
grandes et majestueuses. La seule chose qui toutefois ici manque de charme,
c’ est la ( dépendante ) mutilation des chapiteaux.
La pensée de combiner, dans 1’ entablement, le bronze avec le marbre,
concourt très bien à harmoniser le groupe avec son soutien ; et ces deux parties
alors devaient former encore mieux un tout homogène à la vue, grâce aux
dorures, outre le bronzes, appliquées aux chapiteaux, aux écussons, aux trophées
et aux autres ornements sculptés dans le marbre.
Bon est le profil de 1’ entablement, et en général les sacomes (peut-être
un trop fines dans la cimaise des piédestaux ) sont groupées et animées avec
beaucoup de savoir-faire.
Sage est le choix des décoratives des chapiteaux ( v. PI. 137 fig. 3) avec
heaumes dans les abaques, dauphins à volutes et boucliers ( 4 ). Et Selvático ( 5 )
avait raison de faire observer que le haut de 1’ ornement supérieur est « un
» chef-d’ œuvre de goût et de finesse exquise, comme de composition bien
» choisie. En aucun cas ne pouvaient mieux convenir des armes disposées en
» trophées et supportées par des chevaux marins ( 6 ) ».
Cet admirable piédestal, exécuté par un Vénitien, indique clairement le
point où était alors arrivée chez nous l’évolution de la Renaissance, et c’était à
( 1 2 3 4 5 6) Texte It-J p. 266-267.