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SECONDE PARTIE
Mais s’il est regrettable que la République n’ ait pas mis à exécution le
projet de faire décorer les valves du grand portail de la Carta, nous avons,
pour nous en consoler, un autre travail que la Seigneurie dut, à mon avis,
et précisément alors, confier, au contraire, à Léopardi. Je veux parler des deux
statues de bronze, dites les Vulcains (mori), sur la Tour de l’Horloge (v. PI.
no et m).
On vante à bon droit dans ces deux grandioses figures le naturel de la
pose, et quoique exécutées peut-être un peu à la hâte et surtout pour être vues
à distance, néanmoins relativement aux rapports et à la forme des membres
et au goût élevé avec lequel ont été traités les détails, elles ne perdent rien,
même si on les regarde de près, et à voir le caractère et la manière résolue
dont sont modelées les têtes, on reconnaît sans peine un artiste qui doit avoir
eu constamment sous les yeux la statue équestre de Verrocchio.
Les élégantissimes ornements de la cloche, fondue par maître Simone
Campanato et montée là-haut, elle aussi, en Décembre 1497 ( 1 ), ont une telle
intimité artistique avec ceux de l’armure de Colléoni et des harnais du che
val, comme avec les décorations des trois mâts des drapeaux, qu’ ils permet
tent de supposer que Léopardi n’ a pas dédaigné de mettre aussi la main à
cette cloche.
Peut-être ce maître eut-il encore quelque part au groupe en fonte repré
sentant la Vierge sur un trône avec l’Enfant bénissant, sur le balcon recourbé
de la façade de la Tour; travail d’un mérite relativement secondaire, mais
non dépourvu de mérite, surtout dans la tête de la Vierge.
Autel Surian. Il en est qui ont mis en avant l’hypothèse que la pala en
bronze de l’autel érigé en 1493 par les soins du médecin Giacomo Suriano
dans l’Église de S. Stefano (v. PI. 75 fig. 2), pourrait être l’œuvre de notre
Léopardi. Mais, en ce qui me concerne, je ne saurais en aucun point de ce mé
diocre travail retrouver le souffle, le goût, en un mot 1’ empreinte du grand
artiste ; et même, outre le modelé énervé, il y a encore quelques défauts dans
la conception de la forme; de même dans plusieurs têtes et surtout dans les
extrémités. L’auteur inconnu de cette pala, si l’on en excepte un peu plus
d’élégance dans les proportions et dans les draperies, ne se distingue et ne se
sépare guère de certaines sculptures de l’autel et des ornements de la Cha
pelle Giustinian à S. Francesco délia Vigna.
La République confia encore à Léopardi un autre genre de travaux très
pénibles et non moins importants, dont il est question dans un passage des
Diarî de Sanudo cité par d’autre écrivains: 1500 22 Juin — in questo iprno a
( 1 ) Texte It., p. 268.