Full text: La renaissance (Seconde partie)

LA RENAISSANCE. 
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» c’est-à-dire dans une très grande place avec belles et grandes loges tout autour, 
» pour la commodité des marchands et le service des peuples innombrables qui 
» viennent dans cette ville, qui est la douane de l’Italie, voire même de l’Eu- 
» rope, pour leur négoce et leurs trafics; sous les loges devaient être tout au- 
» tour les boutiques de lingerie, orfèvrerie, et au milieu serait une magnifique 
» église sous le vocable de S. Mathieu, où dans la matinée les gentilshommes 
» pourraient assister aux offices divins. Néanmoins, suivant quelques-uns, Frà 
» Giocondo avait changé d’avis relativement à l’église et voulait en faire deux, 
» mais sous les loges de manière à ne pas encombrer la place. 
» En outre, ce superbe édifice devait avoir tant d’autres avantages, beautés 
» et ornements particuliers, qu’ en voyant aujourd’ hui le très beau dessin de 
» ce que fit Frà Jocondo, on se rend compte qu’ il est impossible au génie le 
»mieux doué, à l’artiste le plus éminent, d’imaginer, de se représenter rien 
» de plus beau, de plus magnifique, de mieux ordonné. On devait encore, au 
» gré de ce dernier et comme couronnement de l’œuvre, faire le pont de Rialto 
» en pierre et chargé de boutiques, qui auraient été une merveille. Mais ce 
» projet ne fut pas réalisé et pour deux raisons : la république, ayant eu la 
« guerre à soutenir, se trouvait dénuée de ressources; et ensuite un gentilhomme, 
» qu’ on dit être de la maison 'Valeresso, puissant à cette époque et très in- 
» fluent, sans doute pour des motifs personnels, prit, en homme de peu de ju- 
» gement, sous sa protection un maître Zanfragnino qui, m’assure-t-on, vit en- 
» core ; lequel avait exécuté des travaux pour son compte. Ce Zanfragnino 
» (nom en rapport avec le savoir-faire du maître) fit le dessin de l’horreur, 
» qui fut ensuite exécutée, et que nous voyons aujourd’hui: choix déplorable, 
» dont on se souvient encore parfaitement et qu’ on ne cesse de déplorer. Frà 
» Jocondo, constatant que trop souvent la faveur fait plus que le mérite auprès 
» des Signori et des grands, fut tellement indigné de voir un projet si inepte 
» préféré au sien, qu’ il partit de Venise et ne voulut jamais y revenir à aucun 
» prix. Ce dessin avec plusieurs autres du Père resta dans la maison Bragadin 
» vis-à-vis Santa Marina, passa à Frate Angelo de la même famille, religieux 
» dominicain, que ses mérites élevèrent sur le siège épiscopal de Vienne ». 
Je ne veux pas certainement pour cela mettre Vasari sur le même pied 
que son compatriote Pietro Aretino, de bonne mémoire ; mais pour déraisonner 
à ce point, pour lancer de telles injures, il faut qu’ il ait été bien mal informé 
et de plus qu’ il ne se soit nullement donné la peine de contrôler (et les oc 
casions ne lui manquaient pas) ce qu’ il pouvait y avoir de rationnel dans la 
fantastique idée de Frà Giocondo. Et comme le faisait observer avec raison 
Temanza « pour la mettre à exécution il ne fallait pas moins de vingt ans. 
» Car elle embrassait un vaste espace, qui dépassait de tous côtés, et de beau- 
» coup, les limites de l’incendie; de telle sorte que, pour l’exécuter, il fallait
	        
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