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SECONDE PARTIE
des artistes capables, non plus de lutter contre le courant, mais même de relever
et de ranimer par de véritables chefs-d’œuvre le sentiment esthétique de 1’ am-
bient. Aussi l’inévitable décadence se précipite-t-elle parmi nous.
Je pourrais encore citer ici (v. PL 139 et fig. 40, 72, 122, 189, 342, et 244)
d’autres souvenirs et une foule de travaux plus modestes ou d’importance
secondaire, exécutés par les taiapiera de la Renaissance, où du reste l’élément
artistique vénitien est en réalité presque nul ; toutefois, comme sous le rapport
des caractéristiques de ces œuvres, il n’y a presque rien de saillant à ajouter
à ce que j’ ai déjà dit, et comme d’ailleurs je n’ ai pas l’intention de convertir
mes Recherches Historico-Artistiques en un catalogue ou énumération sèche, je fais
grâce au lecteur de tous ces détails insignifiants.
Me voici donc arrivé au terme de ma pénible tâche; mais tout en deman
dant pardon au lecteur d’avoir mis sa patience à une si longue et si dure
épreuve, je dois encore, par scrupule, lui faire un dernier aveu. Si, en combinant
les déductions des nombreux documents que j’ai mis en relief avec l’analyse
artistique des différentes œuvres, où les maîtres de notre Renaissance manifes
tèrent, autant que le permettait l’influence du milieu, leur individualité, je
suis parvenu jusqu’ à un certain point à combler plusieurs des lacunes, malheu
reusement trop nombreuses, de 1’ Histoire artistique de Venise, je ne puis
cependant me flatter d’avoir émis partout et toujours des opinions et, encore
moins, des appréciations décisives ou sans appel.
Il n’y a pas de moissonneur ou collectionneur, si habile qu’ il soit, qui
ne laisse dans le champ, et même sur la route, quelque chose à glaner après lui.
En tout cas, si, par défaut de justice, les besoins de la vie ou de ma famille
ne m’ obligent pas à chercher le pain de chaque jour loin de mon pays bien
aimé, j’ ai l’intention de continuer 1’ étude de notre glorieux passé et la re
cherche des éléments positifs qui, remplaçant, une bonne fois, les traditions
anecdotiques tant recherchées, les nébuleuses ou spéculatives synthèses histori
ques de 1’ art écrites par des dilettanti ou des nouvellistes, que les artistes
prennent pour des savants et que les savants regardent comme des artistes,
par la lumineuse, féconde et absolue réalité, permettront au livre de l’Art de
s’ élever jusqu’ au rôle de défenseur du vrai et du beau.
PlETRO PAOLETTI.
Traduit par M. Médéric Le Monnier
Licencic-cs Lettres.