30
SECONDE PARTIE
Les statues du tombeau Emo ont aussi quelque apparence d’affinité avec
les quatre statuettes inconnues qu’on voit aujourd’hui dans 1’Eglise de S. So
phie (v. P. II, pi. 60).
Le monument Onigo (v. P. II, pl. 79-80), élevé dans le Chœur de l’É
glise de S. Nicolas de Trévise à la mémoire du Sénateur Agostino Onigo mort
à Rome en Juillet 1490, dont le corps fut ensuite transporté à Trévise par ses
fils, .a été considéré par la plupart comme l’œuvre des Lombardo ; mais il
me semble au contraire avoir été conçu par l’auteur du monument Emo. Le
caisson inférieur décoré de médaillons avec portraits en bas-relief et avec
amours en bosse et le symbole de dessous, rappellent aussi les urnes d’Or-
sato Giustinian et de Tron dont la statue accuse encore le même goût et sen
timent d’ingénuité dans l’interprétation du portrait que celle d’Onigo à vrai
dire un peu trop grossière.
Certainement les pages porte-écusson sont ici moins légers et élégants,
plus raides dans les contours et exécutés avec moins de vérisme que ceux
du tombeau Emo; mais par l’attitude, par l’intelligence de la forme, par les
physionomies et même par le genre des vêtements, ils les rappellent au point
qu’ on peut les assigner à l’atelier d’Antonio Rizzo, lequel, étant donné ses
nombreuses et grandes occupations comme directeur du Palais Ducal, ne put
certainement se livrer tout entier à l’exécution de ces sculptures, qui furent
sans doute pour cette raison terminées par l’un des nombreux élèves formés
à son école évidemment moins habile que le maître. Et il ne serait pas in
vraisemblable qu’il eût abandonné ce travail en 1488, quand il s’enfuit de
Venise.
Même l’urne a quelque chose de lourd.
Relativement à la disposition des trois statues debout sur le haut je
dois faire observer qu’il ne faut pas la considérer comme l’une des caracté
ristiques distinctives de Rizzo, car, même avant le monument Emo, elle
avait déjà été adoptée par d’autres, par exemple par Pietro Lombardo dans
le mausolée du Doge Pietro Mocenigo dans l’Eglise des Ss. Jean-et-Paul à
\ A enise (v. P. II, pl. 62).
Le tombeau Onigo se distingue en outre par les belles décorations à
fresque qui l’encadrent largement, et où l’on admire surtout les deux figures
martiales des côtés dues à l’un des meilleurs pinceaux vénitiens du commen
cement du XVI e siècle, époque que trahissent encore la forme et le goût des
ornements.
Plusieurs ont attribué ces figures à Giovanni Bellini, d’autres à Antonello
de Messine et enfin Giovanni Morelli a essayé de démontrer qu’ elles étaient
l’œuvre du pauvre peintre qui s’appelle Giacomo dei Barbari. Il y aurait trop