LA RENAISSANCE.
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Ce qui inspira probablement au critique cette assertion erronée, ce fu
rent les armoiries du doge Francesco Venier (1554-1556) supportées par de
lourds amours qui se trouvent dans la bordure aux côtés du moderne lion de
Borro et les détails des bandes verticales à trophées guerriers qui sépa
rent et flanquent les trois arches (v. pl. 118 fig. 1, pl. 82, 84 et 85). Travaux,
ceux-là, qui correspondent bien au goût décadent de l’époque (1554) où l’on
commandait à Giacomo Sansovino de sculpter dans deux blocs de marbre,
destinés à cet effet, les gigantesques statues de Mars et de Neptune qui y fu
rent placées douze ans après. Colosses qui, à vrai dire, contrastent violem
ment avec 1’ élégance que respirent les typiques constructions de la Renais
sance sur lesquelles ils se dressent.
Francesco Sansovino rappelant que l’escalier « fut commandé par le sus-
» dit Antonio Bregno, dit encore que les sculptures grotesques des voûtes en
» haut de l’escalier, furent faites par Domenico et Bernardino Mantovani» (*).
Partant de là, Carlo D’Arco ( 2 ) supposait que le dernier de ces maîtres était
le peintre Bernardino de Mantoue qui, d’après le récit de Fioravanti ( 3 ), «fut
» homme excellentissime et rare dans la peinture et sculpture, comme on le
» voit par ses divers travaux et notamment dans la magnifique cité de Ve-
» nise ; et, outre la peinture et la sculpture, il fut grandissime philosophe et
»amateur de belles choses et a trouvé la manière de teindre l’argent en or
» très pur »,
Sans réfléchir que F. Sansovino citait les artistes travaillant de son temps
et bien connus de lui par les travaux qu’ exécutait son père et dont il récla
mait lui-même le paiement, Zanotto, Selvatico et autres auteurs ont placé sans
plus de cérémonie ces deux maîtres parmi les collaborateurs de Rizzo. Mais je
crois au contraire beaucoup plus vraisemblable qu’il s’agit seulement des dé
corations ajoutées comme complément ou à la suite des restaurations du temps
de Francesco Venier et auxquelles pourraient avoir mis la main plusieurs des
sculpteurs qui travaillèrent les susdits géants. Ces maîtres, on le voit par les
notes que F. Sansovino, après la mort de son père, présentait à la Seigneu
rie, seraient : Domenico (Grazioli) de Salò, Domenico (dit le Magnifique) di Ber
nardino, Giov. Battista fils de Bernardino vénitien, Antonio Gallino di Dome
nico de Padoue, Giovanni, Poletto intaiador da pierà, Gaspare di Giorgio Grando,
Giacomo de’ Medici brescian, Francesco (dit Toccio) de Settignano et Alessan
dro Vittoria ( 4 ).
Flnfin il est bon de dire ici un mot des traces de dorures qui, appliquées
avec cette exquise délicatesse qui distingue toutes les productions de la Re
naissance, devaient briller autrefois même sur les belles décorations de ces
trois arches, les mettant encore plus en relief.
(* 2 3 4 ) Texte It., p. 155 et 155.