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SECONDE PARTIE
Mais là où P excellence des décorateurs lombards désignés par Rizzo res
sort d’une manière incomparable, c’est surtout dans le corps de l’escalier,
dans les innombrables et différents ornements ou petits pilastres, qui enca
drent les miroirs de marbre africain ou brèche, ou qui déterminent les com
partiments et les jours des parapets.
Quelle imagination, quelle habileté et quelle passion de l’art chez les
iaiapiera de cette époque !
Et le mérite de ces travaux ne se borne pas seulement au choix heureux
et au groupement des divers ornements et figurines, ou à la beauté de la
forme; mais ils peuvent encore intéresser l’artiste par le sens allégorique ou
symbolique renfermé dans une foule de compositions ; sens qu’ il est encore
aujourd’ hui possible çà et là d’affronter même avec l’indice des sigles ou
initiales gravées dans les cartels, dans les armoiries, dans les targettes, sur
les patères, etc.
On y voit représentés à la place d’honneur les Saints patrons de la
ville, rappelées les victoires remportées sur terre et sur mer au profit de la
patrie et de la chrétienté par les armes vénitiennes, comparées en puissance
et valeur à celles de l’ancienne Rome. Quelques trophées rappellent les en
treprises contre Ludovic le More et son orgueilleux et mauvais caractère.
D’autres au contraire relatent les qualités du Doge Agostino Barbarigo.
Les allusions aux bienfaits de la paix, à la justice des lois, à la protec
tion accordée par la République à la religion, au commerce, aux industries et
aux métiers, aux sciences et aux beaux-arts c’ est-à-dire à tout ce qu’ on peut
savoir, s’ y trouvent fréquemment répétées et avec la plus grande variété d’at
tributs ou symboles. Et le concept moral des allégories se manifeste dès les
premiers pas, avec les deux corbeilles remplies de fruits et spécialement de
nèfles, couronnant comme un diadème les pilastres inférieurs (v. pl. 118 fig. î)
pour appeler l’attention et faire penser au temps nécessaire pour mener à
terme ou perfection les conseils et les actions des défenseurs de la chose
publique.
Il faudrait des pages, et même des milliers de pages, planches, dessins
ou reproductions pour faire connaître ces marbres et encore ne parviendrait-
on pas suffisamment à en faire goûter la finesse exquise et achevée des dé
tails qui, par exemple dans les ornements verticaux des parapets (v. pl. 88),
atteignent jusqu’ à la perfection des camées.
Il ne faut pas croire que cette perfection se borne à l’escalier comme
à la chose la plus en vue; elle est la note typique de la phalange d’artistes
qui, à la fin du XV e siècle, travaillèrent à ce Palais et à d’autres édifices.
Ainsi il est certain que 1’ on doit à l’un des ciseaux les plus délicats et
les plus habiles qui travaillèrent à l’escalier des Géants, le petit bas-relief