LA RENAISSANCE.
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mesure du sentiment intime de calme tristesse que respire la Vierge dans notre
Église de la Madone dell’Orto et celle de Vicence, rendu d’ailleurs à lignes
plus ramassées et avec une plus grande grâce de formes toutefois dérivées
nettement de la même intelligence à interpréter le vrai ; interprétation qui dans
la main gauche de la Madone nous donne encore ici un autre chef-d’œuvre.
De son côté la technique, spécialement dans les draperies, trahit la crudité
naturelle d’un meme ciseau.
On voit de suite que ce groupe ne comportait pas à 1’ origine la corniche
dans laquele il se trouve aujourd’hui enchâssé et dont les charmantes figurines,
sans doute postérieures, gravées avec toutes les délicatesses de la glyptique,
accusent l’habileté et le goût exquis d’un maître d’élite de la Renaissance (*).
J’ai parlé d’abord des analogies entre le devant d’autel de San Trovaso
et les sculptures sur les archivoltes du palier de 1’ escalier des Géants, et c’est
précisément avec ces travaux que les anges de ce tabernacle ont les meilleurs
titres au rapport que j’ appellerai consanguinité ou parenté artistique.
Une manière presque analogue de traiter le bas-relief apparaît, il est
vrai, dans un autre travail excellent existant dans la chambre à coucher du
Doge au Palais Ducal, où sont sculptés la Mère de Dieu sur un trône et des
Saints agenouillés avec le Doge Leonardo Loredan (1501-1521) reconnaissable
aux traits du visage et à l’écusson ajouté (v. pl, 125); mais sans examiner pour
le moment si cette dernière sculpture peut ou ne peut pas être absolument
l’œuvre de Pietro Lombardo, je trouve toutefois dans les anges adorateurs
du tabernacle Brera un sentiment bien plus spontané, la génialité et la désin
volture ou enthousiasme d’un artiste doué de talents supérieurs, unis à une
plus grande habileté à proportionner graduellement les reliefs des divers
plans.
Dans le susdit devant d’autel de S. Trovaso et tout spécialement dans
les voiles et draperies flottantes des aériennes Renommées et Victoires qui
décorent l’escalier des Géants prédomine surtout le goût des courbes; mais
l’identité du genre des vêtements, la typique légèreté et la suite des lignes
dans les divisions des plis pour déterminer la forme et le mouvement des
membres (dans les anges à l’attitude respectueuse et recueillie), l’égalité ca
ractéristique des ondulations là où les vêtements finissent ou sont relevés, la
forme identique des têtes et des coiffures, la même grâce pour disposer les
extrémités et les égales particularités anatomiques des phalanges et des attaches
et enfin une intelligence semblable dans les profils et dans le creux, sont, je le
dis, autant d’éléments qui ne laissent aucun doute sur la parenté sommaire
de ces travaux (qu’on observe la fig. 27 et même la statuette de la Foi du
monument Giustinian pl. 99).
f 1 ) Texte It., p. 159.