LA RENAISSANCE.
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Une autre caractéristique de la façade de S. Michel est le revêtement
en bossage de la partie inférieure, lequel enveloppe aussi les contreforts à pi
lastres qui par leur mouvement donnent à cette façade une certaine vitalité.
Quoique ce bossage, emprunté évidemment à 1’ art toscan, soit bien par
tagé ou divisé et agrémenté par l’aplanissement de la surface; quoiqu’il con
coure à animer cette architecture, toutefois son application à un édifice religieux
de Venise a réellement quelque chose d’étrange et ne répond pas à la délicate
exilité de plusieurs autres parties, par exemple aux fins et même trop nom
breux décors du soubassement [v. fig. yy), à la porte et aux contours des
typiques fenêtres oblongues à montants, interrompues dans les jambages par
certains petits chapiteaux fragmentaires tout à fait puériles. Puis afin que ( à cause
des rapports existant entre le corps des pilastres, leurs chapiteaux et l’enta
blement ) le relief de la plus haute rangée du bossage n’ interceptât pas en
partie la vue de 1’ architrave, 1’ architecte en profilant cette dernière partie, au
lieu de garder le plan des bandes verticales, en fit saillir davantage les arêtes
inférieures. Ce procédé d’incliner les plans, dont 1’ antiquité offre des exemples,
fut souvent employé depuis S. Michel, et même d’une façon exagérée, par nos
maîtres de la Renaissance pour donner ainsi en outre lieu à d’autres mem
brures sans augmenter la saillie totale des masses, chose qu’ ils évitaient le
plus possible en principe par élégance.
Dans le cas présent, grâce à ce procédé on peut encore établir le syn
chronisme du revêtement avec les parties architectoniques dans lesquelles il
est renfermé.
Je retrouve le même bossage dans le premier ordre du palais Corner-Spi-
nelli (v. PI. 68 fig. î) où les chapiteaux des pilastres ont des analogies avec
la façade de S. Michel.
L’ entablement supérieur de cette façade est assez bien proportionné à
1’ ensemble de l’édifice et le faîte circulaire avec sa large entaille cannelée en
guise de coquille a vraiment un aspect monumental; bons sont également les
rapports et les profils de la grande ouverture circulaire.
Mais au contraire 1’ œil trouve un accroc et reçoit une impression désa
gréable à 1’ endroit où les corniches des frontons latéraux s’ avancent en saillie
pour couper les pilastres supérieurs.
Ce système peu élégant ne constitue pas toutefois un défaut à part ou
qui demande, si on le voulait, à être entièrement supprimé; car il est une con
séquence des indispensables correspondances entre les plans des deux ordres
de la façade, où les corniches de ces demi-frontons, qui ne pouvaient rester
trop en retrait de 1’ entablement inférieur, devaient nécessairement être plus
en saillie que les pilastres.
Un architecte du XVII e siècle se serait en ce cas tiré immédiatement