MÉMOIRES SCIENTIFIQUES DE PAUL TANNERY.
I9 6
Originairement, la pluralité ou le nombre ne commençait qu’à
3 ; i et 2 n’étaient que les principes de l’impair et du pair, jouis
sant en puissance, mais non en acte, suivant les termes d’Aris
tote, des propriétés du nombre. Cette conception, dont la source
était dans les habitudes du langage, a été de bonne heure aban
donnée pour le nombre 2, mais des traces s’en conservent encore
dans Nicomaque, d’après lequel 2 n’est pas, à proprement parler,
un nombre premier. Elle est très nette dans la définition pytha
goricienne du nombre pair, celui qui peut se diviser à la fois en
parties égales et en parties inégales ; l’exception faite par Nico
maque au sujet de la dyade, primordiale du pair, est évidemment
une modification postérieure de la définition originaire.
Pour 1, au contraire, sa position en dehors du nombre resta
toujours affirmée dans les définitions classiques, celles d’Euclide,
et ne fut pas sérieusement contestée.
Cette conception entraîna une conséquence singulière ; d’après
Aristote (Théon, Arithm. 5), c’est une doctrine pythagoricienne
que l’unité étant principe du nombre en général, aussi bien du
pair que de l’impair, ne peut être regardée comme impaire, et
qu’il faut l’appeler paire impaire. Mais l’autorité d’Aristote ne
peut faire regarder cette conclusion comme généralement adoptée
par l’Ecole, et quoique Théon, qui d’ailleurs combat cette opi
nion, semble dire qu’Archytas s’y ralliait, le fragment qu’il cite
ne peut être entendu que dans le sens opposé.
En opposition à cette tradition relative au nombre 1, il convient
certainement de mentionner un passage, où Jamblique (p. 19)
remarque au contraire « qu’il semble y avoir lieu de continuer la
série du nombre au-dessous de l’unité par le zéro (to où^év), qui
s’introduit souvent naturellement malgré nous dans la théorie ».
Ainsi, un nombre en général est la moitié de la somme de celui qui
le précède et de celui qui le suit ; 1 sera la moitié de 2 et de l’où&ev.