200 MÉMOIRES SCIENTIFIQUES DE PAUL TANNERY.
de nous donner une compilation de problèmes, aurait peut-être
pu s’élever jusqu’à l’exposition de méthodes plus ou moins géné
rales, il aurait eu un modèle pour le guider.
Ce qui manque aux Mathématiques grecques, ce sont moins
les méthodes (les grands géomètres en possédaient assez pour
l’ordre des travaux qu’ils poursuivaient) que des formules pro
pres à l’exposition des méthodes 1 ; l’éducation purement géomé
trique éloignait du cercle d’idées indispensable pour constituer
ces formules, elles ne pouvaient être établies tout d'abord que
sur le terrain de l’Arithmétique proprement dite ou sur celui de
la logistique qui donna naissance à l’Algèbre. Malheureusement la
logistique (solution des problèmes numériques) fut, toujours sous
l’influence des doctrines pythagoriciennes, considérée comme une
branche secondaire, rentrant à peine dans la Science, et ne pro
duisit que des recueils d’exercices, utiles ou simplement curieux,
qui disparurent devant celui de Diophante.
Ni les Hindoux, ni les Arabes ne sont parvenus à combler la
lacune qu’offrait l’enseignement mathématique des Grecs ; il faut
attendre jusqu’au dix-septième siècle.
Le rôle des Pythagoriciens dans l’histoire de la Science doit
donc être jugé moins favorablement qu’il ne l’a souvent été;
certes, ils ont remué beaucoup d’idées, soulevé beaucoup de pro
blèmes, ce qui est toujours utile, mais ils n’ont pas abouti à un
résultat définitif, ils se sont détournés de la conquête à faire,
si l’on fait abstraction de la théorie de la musique, qui restera
i. L’incapacité d’exposer clairement une méthode générale sans recourir
à des exemples particuliers, l’incapacité par suite de spéculer directement sur
la méthode au lieu de spéculer sur les exemples, est ce qui distingue nette
ment les Mathématiques de l’antiquité et du moyen âge de celles des temps
modernes. C’est aussi une des raisons qui peuvent expliquer le déclin rapide
de la Science dans l’antiquité.