63. — SUR LA LOCUTION ï\ ï<T0U.
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Et cependant, pendant une longue suite de siècles, Grecs,
Latins, Arabes et Occidentaux ont répété ou traduit ces défini
tions, soit en leur attribuant un sens plus ou moins vague, soit
en les expliquant d'une façon qui est certainement fausse.
Le commentateur du premier livre d’Euclide, Proclus 1 , nous
dit, en effet, que la définition de la droite 1 2 signifie qu’elle est
égale à la distance entre les points limites pris sur elle (icov jcavs-
/eiv (La<7T7i[/.a. xw p„exxqj twv iiz aur/i; c>? i p,eui)v). Il n’y a pas besoin de
savoir beaucoup de grec pour être assuré que, si Euclide avait
voulu exprimer cette idée, il aurait adopté une tout autre rédac
tion. Mais on s’est probablement dit qu’après tout Proclus devait
s’y connaître mieux que nous autres, et Ramus lui-même 3 , qui
ne respecte pas plus Euclide qu’Aristote là où il trouve à dire,
s’est borné, sur ce point, à réclamer que l’interprétation fût mise
en évidence par la traduction latine : Recta linea est quœ eæ œquo
intra sua signa interiacet.
Il était, au reste, d’autant plus difficile de reconnaître le vérita
ble sens d’Euclide, qu’il ne se sert jamais ni de sa définition de
la droite ni de celle du plan, et que jusqu’à ces derniers temps on
n’avait aucun autre exemple que le sien de l’emploi de l’expres
sion iaou dans un sens technique.
La parfaite inutilité des deux définitions en question nous
indique en tout cas a priori que nous n'avons pas, si nous trou
vons l’interprétation véritable, à nourrir l’espoir de la révélation
de quelque profonde doctrine. Sans aucun doute, Euclide a em
1. Page 109 de l’édition de Friedlein, Leipzig, 1878.
2. Pour le plan, il donne l’interprétation analogue qui, dans ce cas, est
logiquement tout à fait insoutenable ; car deux droites n’étant pas nécessaire
ment dans un môme plan, la définition roulerait dans un cercle.
3. Les Scholæ mathematicœ de Ramus sont certainement un des ouvrages
qui ont le plus fait pour ramener une logique sévère dans l’enseignement de
la géométrie.