542 MÉMOIRES SCIENTIFIQUES DE PAUL TANNERY.
prunté ses premières définitions à des Eléments antérieurs aux
siens, et, comme il est aisé de le montrer, il y a attaché assez peu
d’importance pour ne pas se soucier de les mettre d'accord avec
sa véritable nomenclature technique 1 . Il savait, d’ailleurs, parfai
tement sans doute aussi que, comme le dit Aristote (De anima,
I, 5, 16), c’est par le droit que nous connaissons le droit et le
courbe. Se servant d’axiomes ou de postulats pour constituer
réellement les concepts scientifiques de droite et de plan, il s’est
contenté, pour se conformer à l’usage déjà établi, de choisir une
des définitions courantes; mais, logiquement, elle ne doit pas
avoir plus de valeur que s’il avait simplement dit : EùÔeîa ypap.p)
scjTiv 7iv icrjxsv, etc. « La lig'ne droite est celle que nous connaissons
bien. »
Nous ignorerions probablement encore ce qu’Euclide et ses
précurseurs avaient voulu dire, si Ang. Mai n’avait pas retrouvé
le début du texte grec du Traité d’Archimède nepl ôyoupivœv 2 .
On y trouve, en effet, l’expression e£ brou zeicr9ai, et il n’y a dès lors
aucun doute qu’on ne doive la supposer partout où, dans la tra
duction latine, qui remonte à Guillaume de Moerbecke, on ren
contre ex œquo (jacere, poni, etc.).
Or, dans l’ouvrage d’Archimède, le sens technique est parfaite
ment clair; è'i ùjou y.zïaOai y signifie être de niveau; le niveau n’est
pas, d’ailleurs, défini par la surface des eaux tranquilles, mais
Archimède le regarde implicitement comme susceptible d’être
déterminé pratiquement au moyen de l’instrument avec fil à
plomb, connu dès les temps homériques :
Orpiyaç, otsTsaç, GTacpuTa] sm vwtov liera; (B, 765).
1. C’est ainsi qu’il définit le terme de popiëoetBéç, et lui substitue, dans le
cours des Eléments, celui de 'rcapaXXYjXoypap.p.ov, qu’il ne définit pas.
2. Voir l’édition d’Archimède, par Heiberg, Leipzig, 1881, II, pp. 354-358.