LETTRE DE M. H. CARNOT
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science ne saurait manquer d’intérêt à vos yeux, surtout quand elle a contri -
bué, comme la Théorie mécanique de la chaleur, aux progrès modernes de
toutes les Sciences physiques.
L’Ouvrage de Sadi Carnot renferme, avec d’importantes observations sur les
propriétés des gaz, sur leurs chaleurs spécifiques, sur les effets de leurs
changements de volumes, l’exposé de l’un des deux principes fondamentaux
de la Thermodynamique, du principe auquel est particulièrement attache son
nom, et dont plus tard Clausius a démontré l’exactitude en dehors de toute
hypothèse sur la nature de la chaleur.
On trouve dans le même Ouvrage les premiers exemples de ces cycles
d’opérations dont la Théorie mécanique de la chaleur a fait depuis un si fécond
usage. L’importance n’en fut pas appréciée tout de suite; mais, dix ans plus-
tard, Clapeyron remit en lumière les nouvelles formes de raisonnement de
Sadi Carnot, en y joignant une représentation graphique qui rendit beaucoup
plus faciles leur intelligence et leur application.
La Science se trouva donc pourvue de méthodes qui devaient lui permettre
de développer rapidement les conséquences des lois de la Thermodynamique,
lorsque ces lois eurent été complétées et solidement assises par les décou
vertes de Mayer, de Colding et de Joule.
Ces lois, la loi d’équivalence du moins, était ignorée de tous, et de Sadi
Carnot lui-même, lorsqu’il composa son livre. Elle se dégagea peu à peu dans
la suite de ses travaux. Il arriva à la concevoir et à la formuler exactement :
ses notes manuscrites, ses programmes d’expériences ne laissent aucun doute
à cet égard. On sera frappé, en les lisant, de l’analogie qui existe entre cer
taines des idées qu’il exprime et celles qui ont été plus lard développées par
Mayer, entre ses projets d’expériences et les expériences qui ont été réalisées
par Joule. Il est bien entendu que la similitude dont nous parlons ne diminue
en rien le mérite de ces savants, puisqu’ils n’eurent pas connaissance des tra
vaux de leur prédécesseur. Mais il est juste aussi de dire que celui-ci était
parvenu, dix ou quinze ans plus tôt, à la notion exacte des mêmes principes;
car, sans pouvoir assigner une date précise aux notes manuscrites de Sadi
Carnot, on sait, du moins, qu’elles sont postérieures à 1824 et antérieures à
j832, époques, Tune de la publication de son Ouvrage et l’autre de sa mort.
Les Notes de Sadi Carnot contiennent une série d’objections contre l’hypo
thèse de la matérialité du calorique, hypothèse admise presque universelle-