SUR SADI CARNOT.
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et le brave meunier, sans connaître l’enfant, répondait avec complai
sance à ses questions. La curiosité, appliquée surtout aux objets de la
Mécanique et de la Physique, était un des traits essentiels de Sadi.
Devant cette disposition, manifestée de si bonne heure, Carnot
n’hésita pas à diriger vers la Science les études de son fils. Il put entre
prendre lui-même cette tâche, quand les tendances monarchiques du
nouveau gouvernement l’eurent déterminé à s’en séparer pour se confi
ner dans une laborieuse retraite. Sadi suivit seulement pendant quelques
mois les cours de M. Bourdon, au lycée Charlemagne, pour se préparer
à l’Ecole Polytechnique.
L’élève fit de rapides progrès : il avait juste seize ans lorsqu’il fut
admis à l’Ecole, le vingt-quatrième de sa promotion. C’était en 1812.
L’année suivante, il en sortit le premier dans l’artillerie. Mais on le
jugea trop jeune pour l’école de Metz, et il obtint de continuer ses
études à Paris pendant une année ('). C’est à cette circonstance qu’il
dut de prendre part, en mars 1814, au fait d’armes de Yincennes, et
non de la butte Chaumont, comme l’ont écrit presque tous les histo
riens du siège de Paris. L’honorable M. Chasles, un des condisciples de
Sadi, a pris soin de rectifier cette erreur dans une séance de l’Institut,
en 1869.
Si les élèves de l’École Polytechnique n’étaient pas entrés plus tôt
en campagne, ce n’était pas faute de l’avoir sollicité. Je trouve dans les
papiers de mon frère la copie d’une adresse à l’Empereur, signée par
eux le 29 décembre 1813 :
« Sire, la patrie a besoin de tous ses défenseurs ; les élèves de l’École
Polytechnique, fidèles à leur devise, demandent de voler aux frontières
pour partager la gloire des braves qui se dévouent au salut de la
France. Le bataillon, fier d’avoir contribué à la défaite des ennemis,
reviendra dans cette enceinte cultiver les sciences et se préparer à de
nouveaux services. »
Le général Carnot était à Anvers, qu’il venait de défendre contre
les Anglais, les Prussiens et les Suédois coalisés, et où flottait en
core le drapeau français, lorsqu’il écrivit à son fils, le 12 avril 1814 :
( ' ) La photographie qui est en tète de ce volume reproduit le portrait de Sadi en uniforme
de l’École Polytechnique, fait à cette époque par Boilly; ce portrait est très-ressemblant.
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