fortement infléchies; et toutes ces irrégularités ou discontinuités structurales indiquent (ou
paraissent indiquer) des entrainements vers le Sud-Ouest à l’Ouest des transversales. Voici,
parmi d’autres, quelques perturbations typiques : entre Bizerte et Souk-Ahras, les sédiments
de l’unité numidienne progressent, comme par saccades successives, en direction du Sud; la
"chaîne calcaire" des géologues algériens est tronçonnée et déjetée dans la région du Col des
Oliviers, au Sud de Philippe ville; la bordure Sud du massif métamorphique de Petite Kabylie
accuse un décalage dans les environs d’El Milia; l’axe profond de la Mitidja, repéré par gravi
métrie, dessine une baïonnette à l’Est de Boufarik; le Haut-Atlas lui-même s’infléchit au Sud
de Marrakech, etc .. L’essentiel, pour nous, est de noter le sens constant des déformations
localisées sur les axes transversaux et, d’autre part, de signaler le fonctionnement tardif du
mécanisme à l’oeuvre. Chaque fois qu’elles peuvent être datées, les anomalies accompagnant
les transversales s’avèrent postérieures à la tectonique tertiaire de style alpin, elles se sont
donc produites entre le Miocène supérieur inclus et la période actuelle.
Ainsi, l’ensemble cohérent des faits évoqués justifie la conception d’un phénomène
unitaire à l’échelle de l’Afrique du Nord et, compte tenu des modalités précises de certaines
déformations, il ne peut s’agir que d’un cisaillement en chaîne du tréfonds géologique ou, si
l’on veut, d’un ensemble de décrochements parallèles et profonds, de même sens et addition
nant leurs effets (fig. 2).
Certes, un tel processus traduit-il une modification considérable du Maghreb et, par
voie de conséquence, un changement des domaines voisins : le site de Tunis s’est déplacé de
plusieurs centaines de km par rapport à celui de Tanger, la Sicile a pivoté, la Méditerranée a
diminué de largeur . . . (3). Mais, pour surprenant qu’il soit, ce cisaillement de l’Afrique per
met de repérer les zones les plus sismiques - et c’est ce qui compte ici.
DECROCHEMENTS INTERNES ET EMISSIONS SISMIQUES
Ayant décelé, dans un pays sujet aux tremblements de terre, un phénomène dynamique
récent et de grande ampleur, il était naturel de rechercher si ce mécanisme était encore en
action et si, par conséquent, il ne pouvait être à l’origine de certains ébranlements. Le problè
me fut examiné pour l’Algérie, grâce à un catalogue de séismes établi par J. -P. Rothé (4).
Voici le résultat trouvé, nettement positif (5) : depuis le début du XVIIIe siècle, les endroits
correspondant aux transversales tectoniques ont été beaucoup plus éprouvés, en moyenne, que
les autres parties du territoire. Je précise que cette observation a été publiée juste avant les
deux dernières secousses destructrices survenues en Afrique du Nord, secousses très sugges
tives l’une et l’autre. Le village de Melouza, détruit en février 1960, est situé à quelques km
d’une transversale majeure (axe Akbou -Djebel Choukchot); et la zone la plus éprouvée d’Aga
dir (29 février 1960) est à cheval sur deux décrochements sénestres et orientés au Sud-Ouest.
Les faits établissent donc le rôle sismique des cisaillements transversaux. Ils justifient une
étude assez poussée pour avoir un intérêt pratique.
Or, pour obtenir un document utile, dressé à partir des seules données structurales
et tout à la fois précis et correspondant à la totalité des destructions connues, il faut prendre
en considération deux réalités supplémentaires et très significatives. Lorsque la grande trans
versale marocaine de Melilla-Tiznit intercepte le socle ancien soulevé dans le Haut-Atlas, on
n’observe pas une dislocation unique mais tout un réseau de cassures atteignant une trentaine
de km de large dans la région du Toubkal. Et d’autre part, lors du séisme d’Orléansville, en
1954, il n’y eut pas une seule zone d’intensité sismique maximale, mais trois zones distinctes
(4). .Ainsi convient-il de remplacer la notion, un peu simpliste, des grands accidents unitaires
du tréfonds par de véritables champs de fractures internes, additionnant plus ou moins leurs
rejets. Et il faut admettre, simultanément, que certaines zones de cassures profondes peuvent
très bien se composer d’accidents élémentaires assez peu importants pour ne pas se traduire,
en surface, par des axes transversaux nets, vraiment spectaculaires.
Le seul parti réaliste est donc de considérer comme dangereux, non seulement les
grands alignements transversaux, mais tous les petits dérangements superficiels pouvant impli
quer des efforts de cisaillement Nord Est - Sud Ouest, aussi modestes soient-ils. Et ceci
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