— 201 —
dispositifs, bien reconnaissables sur les photographies aériennes par leur tracé en dents de
scie, sont groupés en auréoles concentriques par rapport à l’embouchure du chenal, ce qui
montre clairement leur dépendance à l’égard des courants de marée.
Les zones favorables à l’établissement des akadjas sont pratiquement toutes connues
des pêcheurs et toutes occupées, mais selon des modes bien différents, tant par la forme et la
densité des dispositifs que par le droit coutumier qui s’y attache.
Dans la partie N. O. du lac (là où sont rassemblés les principaux villages de pêcheurs,
groupant environ 30. 000 personnes, soit les deux tiers de la population riveraine totale), on ne
trouvait guère avant 1962 [ 1 J que des petits akadjas circulaires (akadjavis), de 5 à 8 mètres
de diamètre. Ces dispositifs sont dispersés à raison de 10 à 20 l’hectare dans les zones favora
bles; la densité des akadjavis peut atteindre 40 à l’hectare à proximité des villages. L’étude sur
le terrain montre qu’à chacun d’eux s’attache des droits bien définis, transmissibles par héri
tage. Mais l’étendue territoriale des droits ainsi affirmés demeure vague; l’enquête sur le droit
coutumier est rendue difficile sur ce point par la méfiance des pêcheurs, qui craignent l’éta
blissement d’un impôt sur les akadjas et s’opposent à tout inventaire de leur patrimoine. De
toute évidence, jusqu’en 1961, année de notre enquête, il ne s’était établi dans cette partie du
lac que des droits d’usage, et non des droits de propriété analogues à ceux qui régissent des
parcelles de terrain. Un individu quelconque pouvait venir créer un nouvel akadja, pourvu qu’il
ne gênât pas ses voisins déjà établis. Des règles coutumières fixent la distance minimum à
respecter.
Les petits akadjas de forme ronde se prêtent à un procédé de pêche particulièrement
simple et rapide. On jette par dessus un grand épervier dépourvu de fond (akadjado). Les pois
sons se trouvent dès lors emprisonnés. Après avoir retiré les branchages et pêché, on recons
titue l’akadja à la même place. Ces petits akadjas ont un rendement élevé, nettement supérieur,
à surface équipée égale, à celui des grands akadjas quadrangulaires. Ce fait explique la persis
tance de ce dispositif, et la tendance des pêcheurs de cette région, assez pauvres pour la plu
part, à multiplier ces dispositifs peu coûteux.
C’est principalement dans la partie orientale du lac, au voisinage des villages de Kéto-
nou, Gbakpodji, et surtout des Aguégué, au débouché du chenal menant à la lagune de Porto-
Novo, que se développe l’occupation méthodique des eaux de la lagune par de grands akadjas
quadrangulaires, atteignant une superficie de plusieurs hectares. Ces dispositifs appartiennent
souvent à des entrepreneurs utilisant plusieurs dizaines de manoeuvres, et disposant de moyens
financiers importants, dont témoigne la prospérité de ces villages. Il tend à se développer dans
ces zones un véritable parcellaire; l’occupation des eaux est par endroit totale, les akadjas
n’étant séparés que par des chenaux permettant tout juste la circulation des pirogues.
Nous montrerons ci-dessous les variantes de ces dispositifs et des procédés d’exploi
tation, mises en évidence par les photographies aériennes.
Apparence des akadjas sur les photographies aériennes. Le fourré artificiel établi dans les
akadjas, lorsqu’il est suffisamment dense, apparait très nettement sur les photographies aérien
nes, en blanc sur fond sombre. Sur les photographies aériennes au 1/10.000 examinées stéréo-
scopiquement avec un fort grossissement, le relief des branchages dépassant de l’eau est nette
ment perceptible.
Mais il n’en va pas de même quand les branchages sont pourris et leurs débris tombés
au fond de l’eau. La plupart des akadjas qui n’ont pas été fraichement rééquipés ne présentent
que quelques tiges squelettiques sortant de l’eau de loin en loin. De toute évidence, elles ne
peuvent être discernées sur les photographies aériennes. Seul se distingue le pourtour des
grands dispositifs quadrangulaires, presque toujours matérialisé par des branchages fréquem
ment renouvelés par le propriétaire soucieux d’affirmer ses droits.
Dans ces conditions, il semble que nous nous trouvons en présence d’un problème inso
luble. Beaucoup d’akadjavis non équipés au moment de la prise de vue échapperont à l’observa
tion, et pour ceux dont nous apercevons le pourtour, comment discerner ceux qui sont réguliè
rement utilisés de ceux qui ne le sont pas ? Mais un examen attentif des photographies met en