Un siècle d'expérience et de succès, l'appui chaleureux d'éminents spécialistes de l'ar-
chitecture et de l'histoire de l'art, de nombreuses études formant une bibliographie de plus de
deux cents titres, ... et cependant la photogrammétrie architecturale, c'est-à-dire l'applica-
tion des méthodes photogrammétriques aux relevés des monuments et aux travaux d'architecture
semble n'être encore qu'à ses premiers développements, n'est nullement d'un emploi universel
et reste inconnue, dans le monde entier, d'un grand nombre d'architectes et de techniciens de
l'art de construire.
Ce rapport, qui s'efforce de reconstituer l'histoire de la photogrammétrie architectura-
le et d'en présenter un tableau actuel et un bilan prospectif, devrait permettre d'expliquer ce
paradoxe et de suggérer des remèdes à cette méconnaissance, à ce sous-emploi d'une technique es a
qui répond aux exigences modernes de la conservation des monuments historiques et apporte a 2
tous ceux qui sont chargés d'aménager la cité un secours efficace.
Bien que le partage entre les différentes disciplines ne soit souvent pas aisé, seules les
applications architecturales seront traitées ici, à l'exclusion des applications de caractère pu-
rement archéologique, telles que la détection des constructions anciennes par prospection aé-
rienne, et des études de pur urbanisme. C'est pourquoiilsera trés peu question, dans ce rapport
de photographie et de photogrammétrie aériennes (*).
I - UN SIECLE DE PHOTOGRAMMETRIE ARCHITECTURALE
Des origines à la fin de la seconde guerre mondiale
A ses débuts, l'histoire des applications de la photogrammétrie aux relevés d'architec-
ture se confond avec l'histoire même de la photogrammétrie.
Dans leurs ouvrages, les promoteurs de cette technique, vers le milieu du XIXe siècle,
se plaisent à rappeler que la Renaissance italienne connaissait déjà l'art d'établir des plans et
des élévations d'un bâtiment d'après des vues perspectives, que ''le plus grand nombre des tra-
ditions et des ouvrages sur la perspective est dû à des architectes'' (Laussedat), que les lois en
ont été particulièrement bien explicitées au XVIIIe siècle par le mathématicien Lambert et, un = ©
peu plus tard, par Monge dans sa "Géométrie descriptive", et qu'Arago, dans son rapport sur
le Daguerréotype présenté en 1839 à la Chambre des Députés et à l'Académie des Sciences fran-
caises, avait déclaré prophétiquement : "Les images photographiques étant soumises, dans leur
formation, aux régles de la géométrie permettront, à l'aide d'un petit nombre de données, de
remonter aux dimensions exactes des parties les plus élevées, les plus inaccessibles des édifi-
11
ces .
Premiers travaux - Aimé Laussedat
De solides bases étaient donc posées lorsque, en 1849, le français Aimé Laussedat, dé-
veloppant une idée de l'hydrographe Beautemps-Beaupré, imagina d'utiliser les perspectives
comme des documents métriques à partir desquels il était possible de reconstituer "le faisceau
perspectif'' formé par l'ensemble des rayons visuels partant de tous les points d'une construc-
tion et aboutissant à l'oeil de l'observateur. L'enregistrement exact des perspectives avait fait
depuis le début du XIXe siécle de grands progrés gráce à la chambre claire inventée par Wil-
(*) I ne nous échappe pas que cette étude, aussi bien en ce qui concerne l'esquisse historique que le
bilan des applications actuelles, présente certainement, malgré un grand effort d'information, des
lacunes. Nous serons reconnaissants à tous ceux, photogrammètres, architectes, inspecteurs, con-
servateurs, qui voudront bien nous permettre de complèter notre rapport en nous envoyant des ren-
seignements et des documents.