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Le mécanisme physiologique de la vision binoculaire, bien qu'encore controversé,
nous parait pouvoir étre décrit comme suit, Chaque oeil enregistre pour son compte la
perspective correspondant à sa position et percoit ses sensations propres. Pour examiner
un point, les muscles oculaires font converger sur lui avec une grande précision, et une
extraordinaire rapidité les deux lignes de fixation. Tout se passe comme si une innervation
particulière associait à chaque point de la rétine de l'oeil droit, un " point correspondant "
identiquement placé dans la rétine de l'oeil gauche. Le point fixé, lorsqu'il forme ses
images sur deux "points correspondants" est vu simple. Il en est ainsi en vision directe
et en vision indirecte, pour un certain nombre de points de l'espace (situés sur un « horop-
tère ») . Tous les autres points sont vus doubles . Seuls possèdent la vision binoculaire les
sujets qui ne neutralisent pas la deuxième image, évidemment fort génante, Dès leur
tendre enfance ces sujets, par une accoutumance certainement héréditaire, ont su utiliser
un seul de leurs yeux (l' œil directeur )pour observer réellement l'autre œil leur appor-
tant une information complémentaire sur les différences d'éloignement. La vision binocu-
laire est donc une opération mentale fort complexe de coordination des sensations de chaque
oeil ; le cerveau s'est habitué à traduire sous la forme d'une plus ou moins grande diffé-
rence de profondeur les longueurs plus ou moins grandes qui séparent les images rétinien-
nes lorsque les lignes de fixation convergent sur un point particulier. Le sujet ne se rend
d'ailleurs pas compte trés nettement du dédoublement des images de tous les points situés
en dehors de l'horoptère du point fixé. Il faut le lui faire remarquer pour qu'il le perçoive.
Ce dédoublement agit dans la totalité du champ de vision commun aux deux yeux. Mais il
prend une forme particulière dans la trés petite région (angle solide de l'ordre de 1°) cor-
respondant à la fine vision de chaque oeil ( fovea ) et dont le centre définit la ligne de fixa-
tion. Dans cette zone le dédoublement cesse d'être perçu et il se produit un fustonnement
des images ; on y éprouve une perception réelle de l'espace (sans d'ailleurs que le méca-
nisme physiologique soit forcément différent du précédent ; il peut y avoir seulement une
plus grande aisance de compréhension et une plus grande certitude, accompagnant la plus
grande acuité visuelle).
Les sujets qui ne sont pas adaptés à la vision binoculaire ont un méme réflexe de
défense contre la duplication des images et la gène qu'elle leur apporte, c'est la neutrali-
sation. de l'une d'entre elles. Ils font abstraction des données de l'un des yeux et agissent
en fait comme des borgnes. Les sírabiques font dévier fortement une des lignes de fixation.
Mais une assez grande proportion de sujet dont les axes des yeux semblent à peu prés nor-
maux pratiquent néanmoins la neutralisation (1). Le plus souvent, ils ignorent leur infirmité
et sont stupéfaits de la découvrir sur les tests de contróle. Ce sont en général des sujets
ne bénéficiant pas d'une acuité visuelle parfaite de leurs deux yeux, et qui ont une ten-
dance naturelle à neutraliser la moins bonne image. Nous avons cependant rencontré des
sujets ayant deux trés bons yeux et qui ne possédaient pas la vision binoculaire. Nous con-
naissons également des strabiques intermittents qui ont la vision binoculaire lorsqu'ils font
l'effort nécessaire de convergence des lignes de fixation, mais se relachent ensuite, Nous
ne connaissons pas d'exemples de sujets adultes qui n'ayant pas la vision stéréoscopique
malgré une bonne acuité visuelle des deux yeux (après port de verres correcteurs éventuel-
lement) ont pu l'acquérir ensuite par la volonté et l'entrainement ; les ophtalmologistes
auraient là un beau domaine d'action ; ils devraient en particulier rechercher le rôle joué
par l'hérédité, et par les réactions psychiques dans la prime enfance ; malheureusement
trop peu d'entre eux semblent se pencher actuellement sur ces problèmes.
L'acuité visuelle stéréoscopique se mesure en appréciant s'il existe ou non une dif-
férence d'éloignement entre deux points séparés par un certain écart angulaire, Lorsque
l'écart angulaire est x pour l'oeil directeur, il estx + dapour l'autre oeil. On présente
à un sujet des tests comportant des différences dx connues, de valeurs décroissantes, dans
des conditions telles que la vision binoculaire entre seule en jeu ; on cherche quel est le
test pour lequel il ne commet qu'un faible pourcentage d'erreurs sur le sens de la différence
d'éloignement,
(1) On remarque cependant souvent dans leur regard un léger flottement dans la convergence
des lignes de fixation.
Aud. Baal Guub Oeo. nua Lcd
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