92 LES PHARES.
de son temps et de son pays, où pourtant la bizarrie
n'est point rare. Avant de songer à élever un phare à
Eddystone, Wistanley s’était distingué par untalent de
myslifieateur scientifique qui faisait de sa résidence
du comté d’Essex un séjour de merveilles et de sur-
prises. On glissait son pied dans une pantoufle en
se déshabillant, et un spectre se dressait devant
vous. Un. fauteuil ouvrait ses bras, mais malheur à
vous si vous aviez la mauvaise idée d’en user, ces
bras vous retenaient jusqu'à ce qu'on füt venu vous
délivrer en poussant un ressort caché. On cherchait
l'ombrage d'un berceau, et l'on se trouvait dans une
nacelle au milieu d'un étang, ete.
C’était en 1696, époqueou bien des gens croyaient
encore qu'une vieille femme pouvait faire naître
une tempête avec quelques mots de grimoire. En
érigeant son phare, Wistanley, qui était sans doute
un esprit fort, prétendait, sinon combattre la tem-
pête, au moins soustraire les navires à ses effets. Il
se mit donc bravement à l’œuvre et parvint à élever
un monument qui se ressentit naturellement des
goûts singuliers l'architecte. C'était quelque chose de
fort extraordinaire et qui, avec ses galeries décou-
vertes et ses grues en saillie, ressemblait assez à
une pagode chinoise ou à ces belvédères que l'on voit
de nos jours dans les jardins publies des faubourgs
de Londres. Une gravure du temps, exécutée par les
ordres de Wistanley, et que nous reproduisons, le
représente lui-même se livrant du haut d’une fenêtre
aux innocents plaisirs de la pêche à la ligne. Gette
maison, toute chargée de devises et d'inscriptions,