LA VIE DANS LES PHARES. 951
chée aux hamecons et suspendue autour du phare
une guirlande de poissons.
Parfois aussi le hasard fournit aux gardiens de
phares des délassements plus nobles. Sur la cóte
d'Angleterre, il y a un récif qui se nomme le Longs-
tone ; sur ce récif on a élevé un phare en 1827, ce
qui n’a pas empêché un naufrage qui est resté
célèbre. En 1858, le vapeur Forfarshire, qui faisait
le trajet régulier entre Dundee et Hull, s’y perdit.
Il y avait cinquante-trois personnes à bord dont
trente-huit périrent. Neuf des passagers qui survé-
curent à cette catastrophe durent la vie au dévoue-
ment héroïque de Darling, gardien du phare, et de
sa fille, dont la mémoire sera bénie pendant long-
lemps.
S1 peu variée que soit cette existence, elle trouve
néanmoins des partisans. Smeaton parle d’un cor-
donnier qui entra comme gardien au phare d’Eddys-
tone parce que la réclusion lui déplaisait; il se
trouvait moins prisonnier sur son rocher que dans
son échoppe. « À chacun son goût, répondait-il à
ceux qui s'étonnaient ; j'ai toujours aimé l'indépen-
dance. »
«Le mot ne manque point de vérité, remarque à
ce propos M. Esquiros, si étrange qu’il paraisse,
appliqué à une vie dé réclusion et à une sorte de
régime cellulaire. Ce qui constitue réellement la
prison est la captivité morale. Ici au contraire,
l’âme est libre, elle plane sur les steppes sauvages
de l'Océan tout tacheté de voiles. Confiner de vive
force un homme dans de pareilles conditions sem-