LA VIE DANS LES PHARES. 2
cadavre, c'était non-seulement par suite d'une
lerreur superstitieuse, mais pour ne pas être soup-
çonné d’avoir mis fin à ses jours.
— Vous avez dû passer une triste nuit dans la
lanterne en veillant près de ce corps mort, dit
l’officier, homme d’un certain àge; c'était une
désagréable corvée; je ne vous croyais pas dans une
si fâcheuse position la nuit dernière, quand j'ai
vu briller le fanal au milieu des ombres.
Quand il avait vu briller le fanal! se moquait-il
de moi? La perte du vaisseau était-elle connue?
On ne savait rien. Quelque étrange que cela
puisse paraître, l'officier était certain d’avoir
aperçu la lampe : il en aurait fait serment.
Personne ne se douta de ma négligence crimi-
nelle. On sut que le Jupiter, navire de la Compagnie
des Indes, avait péri près de la côte : des espars et
des membrures qui portaient son nom, échouérent
sur le rivage au bout d'un jour ou deux. Mais nul
ne pensa qu'il sefüt brisé contre le roc d'Eddystone.
Les magistrats, considérant ce que j'avais sout-
fert, ne voulurent pas user de rigueur envers moi.
lls se contentèrent de me retenir mes gages et de
m'expulser. Je vendis ma montre brisée à un juif,
pour vingt-quatre schellings et un verre de grog.
Je m'en séparai avec chagrin, car elle me venait de
ma mére. Je n'avais malheureusement pas d'autre
ressource. Cette petite somme me permit de vivre
misérablement pendant. une quinzaine de jours,
après quoi je trouvai à m’engager sur un navire
caboteur.
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