172 LES MERVEILLES DE LA GRAVURE.
cette opinion émise par un homme dont le savoir
ne peut être contesté; la franchise de l'exécu-
tion, le caractère savant et tout à fait magis-
tral du travail font de ces planches des pièces
hors de pair, qu’il nous coûte beaucoup d'en-
lever à l’œuvre d’Albert Dürer. Jamais la gravure
sur bois n’a trouvé un praticien plus habile que
l’auteur de pareilles estampes ; et si l'on refuse
à Dürer de les avoir lui-même taillées, encore
faut-il reconnaître qu’il dirigeait avec une sollici-
tude si active et si constante ceux qui multipliaient
ses œuvres, que ses graveurs ne montrérent vrai-
ment une valeur supérieure que lorsqu'ils eurent
à traduire les dessins du plus grand artiste dont
l'Allemagne s'honore.
Lucas de Cranach, né en Saxe, vers le méme
temps que Dürer, ne fut pas sans profiter des
exemples de son contemporain. Sa manière esl
cependant assez différente. Il ne rechercha pas,
autant que le maitre de Nuremberg, la beauté et le
(ini de l'exécution. Les graveurs qu'il employa, —
'ar il est peu probable qu'il ait lui-méme conduit
l’échoppe, — avaient le travail plus pittoresque et
moins précis que ceux de Dürer, et les dessins
qu’ils interprétaient étaient aussi d'une moins
grande beauté. Ami intime de Luther, Lucas de
Cranach avait adopté la Réforme avec enthou-
siasme. Il peignit les portraits de Luther et de sa
femme, de Melanchthon et de Frédéric le Sage ; il