186 LES MERVEILLES DE LA GRAVURE.
rappelant les sculptures en bois de ses prédéces-
seurs, rien n'est plus vrai. Cependant, à cóté de la
correction matérielle, de la représentation fidèle
de la réalité pure, l'art n'a-t-il pas encore quelque
chose à dire? ne doit-il pas exprimer une idée, un
sentiment? À ce point de vue le maître de 1466 ne
mérite que des éloges, car c’est précisément le
premier graveur allemand qui ait songé à mettre
son talent au service de l’expression et du senti-
ment.
Martin Schongauer suit de près le maître de 1466 ;
il eut sur toute l’école allemande une si grande
influence qu'il pourrait en être appelé le pore, et
il jouit aujourd’hui d’une réputation amplement
justifiée. Après avoir été en honneur de son temps,
à ce point que les éditeurs ne craignaient pas d’ap-
poser sa marque sur des estampes dans lesquelles
il n’était pour rien, dans le but peu louable de les
faire valoir aux yeux des amateurs inexpérimen-
tés, 1l fut pendant les dix-septiéme et dix-huitiéme
siècles relégué avec tous ses contemporains dans
cette catégorie d'artistes gothiques auxquels plu-
sieurs historiens, même parmi les plus autorisés,
reconnaissaient à peine du talent. Cette injustice,
regrettable à tous les points de vue, nous a privés
d'un grand nombre de peintures qui, faute d'avoir
été recherchées comme elles méritaient de l'étre,
se sont égarées ou bien ont disparu. Lorsque, plus
sainement dirigée, la critique moderne a songé