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LES MERVEILLES DE LA GRAVURE.
servateur et eurieux un souvenir d'amertume et
de tristesse, qui lui faisait d'ordinaire apercevoir
l'humanité par ses cótés les plus douloureux, les
plus poignants. Aussi son idéal consista non pas
à rechercher la beauté des formes et des tvpes,
l’élégance des contours, ni les mouvements sim-
ples, les nobles attitudes, mais l’expression vraie
et forte, àpre, dure quelquefois et grimacante, tou-
jours pénétrante et énergique. Fielding disait de
son ami Hogarth : « Les figures des autres pein-
tres respirent, celles d'Hogarth pensent. » Il avait
raison. Hogarth est philosophe bien plus qu'ar-
liste. Ses tableaux, d'un ton souvent peu harmo-
nieux et un peu terne, sont composés habilement
sans doute, cerlaines figures paraissent méme in-
ventées avec un art véritable : mais la pensée do-
mine tout; le sujet absorbe le regard et l'intérét
aux dépens du dessin et de l'exécution. La Vie
de la file de joie (the Harlot's Progress), la Vie du
libertin (the Rakes Progress) ou le Mariage à lu
mode sont, à bien considérer, des comédies en plu-
sieurs actes autant, sinon plus, que des tableaux ;
comédies morales où l'auteur ne recule pas, pour
arriver à instruire, devant la représentation bru-
tale et révoltante de certains actes, quitte plus
tard à les faire cruellement expier. Ne l’oublions
pas, William Hogarth ne se borna point à agencer
des scénes de moeurs : il les grava lui-méme, cir-
constance heureuse, puisqu'en ne passant point