30 LES MERVEILLES DE LA GRAVURE.
maitre n'existent point, il est vrai, dans ses es-
tampes; à la place de l'exécution minutieuse
qu'un peintre ne saurait atteindre sur le métal, on
trouve les accents d'une main ferme et savante
qui se contente de tracer un croquis, se réservant
de donner dans la peinture le dernier mot de son
savoir. Mais cette négligence apparente de travail,
ou pour mieux dire celle franchise d'allure et
cette aisance nuisent-elles à l'exactitude du
contour, à la force de l'expression? Pas le moins
du monde. On peut méme dire qu'avec sa rudesse
calculée ét son attention systématique à éviter les
effets pittoresques, le maitre a marqué certaines
compositions, la Mise au Tombeau et la Descente
aux Limbes, entre autres, d’un étrange cachet de
sinistre grandeur, caractère d’ailleurs que com-
portaient parfaitement les sujets. C’est l’âme que
Mantegna prétend émouvoir et non l’œil qu'il veut
charmer. Incessamment en quête de la beauté, de
cette beauté particulière qui se rapproche de la
majesté plutôt que de la grâce, il a une vive pré-
dilection pour les mouvements pathétiques ou les
épisodes lugubres. Qu’il nous fasse assister à la
douleur de saint Jean pleurant le Christ mort, ou
bien qu'il nous montre un jeune homme ivre
affaissé sur une cuve et soutenu par un faune, les
figures qu'il met en scène ont toujours une am-
pleur, une noblesse singulières. La Vierge telle
qu’il la comprend n’est pas douce ou résignée.