Full text: Les ballons et les voyages aériens

   
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VOYAGE DE LA « MARIE-ANTOINETTE. » 161 
de la nature entière, nous n’apercevions sous nos pas que 
ces énormes masses de neige qui, réfléehissant la lumière 
du soleil, éclairaient infiniment l'espace que nous occu- 
pions ; nous restámes huit minutes sur ces monts escarpés, 
à 11,752 pieds de terre, dans une température de 5° 
au-dessus de la glace, ne pouvant plus juger de la vitesse 
de notre marche, puisque nous avions perdu tout objet 
de comparaison. 
« Cette situation, agréable sans doute pour un peintre 
habile, promettait peu de connaissances à acquérir au phy- 
sicien, ce qui nous détermina, dix-huit minutes après 
notre départ, à redescendre au-dessous des nuages pour 
retrouver la terre. À peine étions-nous sortis de cette es- 
pèce d'abime, que la scène la plus riante succéda à la plus 
ennuyeuse. Les campagnes nous parurent dans leur plus 
grande magnificence. Tout était si éclatant que nous 
crûmes que le soleil avait dissipé l'orage; et, comme si 
on eüt tiré le rideau qui cachait la nature, nous décou- 
vrimes aussitôt mille objets divers répandus sur un espace 
dont notre œil pouvait à peine mesurer l'étendue. L'hori- 
zon seulement était chargé de quelques nuages qui parais- 
saient toucher la terre. Les uns étaient diaphanes, d'autres 
réfléchissaient la lumiére sous mille formes différentes ; 
tous en général étaient privés de cette teinte brune qui 
porte à la mélancolie. Nous passämes dans une minute de 
l'hiver au printemps ; nous vimes ce terrain incommensu- 
rable couvert de villes et de villages, qui, en se confon- 
dant, ne ressemblaient plus qu’à de beaux châteaux isolés 
et entourés de jardins. Les rivières qui se multipliaient et 
serpentaient de toutes parts n’étaient plus que de très- 
petits ruisseaux destinés à l’ornement de ces palais ; les 
plus vastes forêts devenaient des charmilles ou de simples 
vergers ; en un mot, les prés et les champs n'avaient que 
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