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VOYAGE AÉRIEN DE L’ABBÉ DE CARNUS. 171
nement se trouva consommé, à la réserve de deux bottes
de paille du poids de 4 livres chacune, destinées à rendre
notre descente plus douce. La montgolfière baissait sensi-
blement depuis quelques secondes ; les objets terrestres
reprenaient leurs formes et leurs dimensions. Les animaux
fuyaient à la vue de notre globe, qui semblait devoir les
écraser de sa chute. Les cavaliers étaient obligés de mettre
pied à terre et de conduire leurs chevaux. Effrayés parun
phénomène si extraordinaire pour leurs yeux, les habi-
tants de la campagne abandonnèrent leurs travaux. Nous
n'étions plus qu'à 100 toises de terre. Nos deux bottes de
paille jetées dans le réchaud produisirent l'effet que nous
en attendions : mais en ralentissant notre descente, elles
prolongèrent notre marche. Nous rencontrâmes bientôt
un écueil qu'il nous fut impossible d'éviter. Au moment
où nous détachions le réchaud-et où la montgolfière allait
terminer heureusement sa course, le vent, dont la force
diminuait peu à peu, la porta doucement sur la cime d'un
petit chène isolé. Je descends avec la plus grande facilité;
M. Louchet ne peut le faire au même instant que moi, ce
qui donne lieu à un événement que nous n'avions pas osé
espérer. Allégée du poids de mon corps, la montgolfière
se dégage d’elle-même, à la grande surprise de tout Rodez
qui, en voyant tomber le réchaud, avait eru la voir tout en
feu. L'aigle perché sur un arbre s'élève moins rapidement
dans les airs que notre globe ne se releva de dessus le
chêne qui l'avait empêché de se poser sur le gazon. Aus-
sitôt que j'eus pris terre, je cherchai des yeux mon com-
pagnon ; mais que je fus agréablement surpris de l'entendre
crier au-dessus de moi : Tout va bien, soyez tranquille. Je
me rappellerai la protestation qu’il m'avait faite plusieurs
fois de n’abandonner la machine qu’au moment où elle ne
ponrrait plus le porter ; et ce n’est point, je vous l'avoue,